dimanche 27 mai 2012

Un chemin qui appelle


"Si   vous   allumez   Canal   Plus   et   que   vous   n’avez   pas   de   décodeur, le signal est brouillé, inaudible et invisible. Trop souvent   et   sans   forcément   s’en   rendre   compte,   les   protestants   que   nous   sommes   se   contentent   d’un   message   codé, accessible aux seuls abonnés. La parrhèsia,  c’est  Canal   Plus  en  clair.  C’est  renoncer  à  l’étroitesse du club et sortir à découvert.  C’est  faire  confiance  au  Seigneur  puisque  c’est  lui   qui  nous  envoie.  C’est  oser  parler  et  agir,  car  nous  semons  et   Dieu   fait   croître.   C’est   renoncer   à   l’esprit   de   timidité   pour   explorer  les  chemins  ouverts  par  l’esprit de liberté. Etre   attestataires   sans   être   identitaires,   ce   n’est   pas   se   mettre  en  avant,  c’est  mettre  Christ  en  avant.  Et  c’est  le  faire  à   notre   manière,   avec   la   liberté   d’assumer   ce   que   nous   sommes. Non pas pour nous mettre en avant, encore une fois, mais parce que nous croyons que Christ fait confiance aussi à ce que nous sommes pour témoigner de qui il est. "

Le texte qui précède est extrait du "Message des présidents au synode" : le synode dont il s'agit c'est celui de Belfort, qui vient d'avoir lieu et où l'Eglise protestante unie de France a été portée sur les fonts baptismaux ; les présidents, ce sont ceux des deux Eglises qui se sont unies à cette occasion : l'Eglise réformée de France et l'Eglise évangélique luthérienne de France. Un baptême plus un mariage le même jour, il y avait vraiment de quoi se réjouir ! 
Mais au fait, la parrhèsia, c'est quoi ? c'est un "gros mot" de théologien, d'accord, mais pas seulement. C'est le terme grec qui, dans le Nouveau Testament, désigne la façon de partager la parole de Dieu, ouvertement, publiquement, franchement, avec confiance et joie, sans se cacher, c'est-à-dire "en clair" pour reprendre la métaphore. Et voilà bien ce qui nous fait turbiner du ciboulot depuis des mois dans d'équipe d'ERF on Tour : comment parler franchement de notre foi ? Comment faire ce fameux premier pas qui mène de la foi pour soi à la foi partagée, dite ? Ca ne se passe que dans une rencontre, on est d'accord. Dans la pleine confiance en Dieu qui veut que sa parole passe par une parole humaine. D'accord. Mais après ? 
Et en bon petits protestants, on n'est pas très à l'aise avec la question qui se pose tout naturellement : "mais on fait quoi ?". Ah ben c'est que les oeuvres, par chez nous... Ah oui mais il y a quand même l'impératif du témoignage... Ah ben on est un peu coincés alors... 
Mais voilà : on n'est pas les premiers à y penser. En fait, toute l'Eglise depuis ses débuts ne fait que penser à ça, et le faire. Sinon, s'il n'y avait pas de témoins, non seulement l'Eglise n'aurait pas de raison d'être mais elle s'évanouirait assez vite dans la non-existence... Déjà qu'on a peur qu'elle se contente de faire partie des meubles et qu'elle se ratatine à se regarder le nombril... Alors voilà : on est l'Eglise et on doit témoigner, ça n'est pas plus compliqué que ça. 
Dans la suite du texte des deux présidents de nos Eglises se trouve l'évocation de l'horizon 2017 : les 500 ans de l'affichage par Luther de ses 95 thèses sur la porte du château de Wittenberg, c'est-à-dire, puisqu'il faut bien retenir une date qui fasse date, le début de la Réforme protestante. En 2017, qu'est-ce qu'on fêtera ? un événement identitaire ? ou une date qui a fait date dans la proclamation de la parole de Dieu, qui a renouvelé l'élan de l'Eglise tout entière ? C'est ensuite que le texte biblique a été largement diffusé, que le sola scriptura s'est imposé pour la lecture croyante de la Bible, que le sacerdoce universel est devenu une évidence... et nous sommes héritiers de cet élan.
Notre réflexion depuis plusieurs mois tourne bien autour de ces fameuses thèses que, nous, aujourd'hui, nous pourrions placarder à notre tour, à notre façon. Qu'est donc cet Evangile que nous voulons défendre ? Quel est cet Evangile que nous voulons dire au monde, parce que le monde crève de ne pas le recevoir ? Quel est cet Evangile qui nous fait vivre, libres, joyeux, confiants ? Quel est cet Evangile qui, un jour, a été parole de vie pour nous, personnellement, et que nous pouvons partager communautairement ? 
Voilà où nous en sommes.
Nous sommes moins préoccupés que l'an dernier des actes à poser, des animations à faire, des tentes qu'il faut penser à emmener... tout ça fait toujours partie de l'aventure bien sûr. Mais surtout, nous avons pris conscience que cet élan missionnaire qui nous est demandé, il ne peut venir que de nous, de ce lieu de vérité où nous pouvons dire "voilà ce qu'est l'Evangile pour nous, pour moi". Ca se mettra à l'épreuve de la réalité... ça se met déjà à l'épreuve de la réalité.
Il y a trois semaines, nous avons rencontré le pasteur Eric Perrier et sa femme ; retrouvailles pour certains, découverte et rencontre pour les autres ! Et là encore nous avons parlé, beaucoup, de nous-mêmes, de notre aventure, de là où elle nous avait mené et de là où elle allait. Eux sont "sur le terrain", avec l'Equipe pastorale missionnaire (EPM) et nous ont beaucoup parlé d'eux-mêmes, de leur joie dans ce travail, des écueils aussi parfois, des rencontres. Maintenant, avec ces deux équipes-là, il va falloir cet été vivre ensemble un bout de chemin à la lumière de ce fameux Evangile que nous voulons partager. Manière de découvrir comment l'autre s'y prendrait, d'entendre les bonheurs de cette transmission, les incidents de parcours, et surtout d'imaginer ensemble du neuf. On a pensé à plein de choses, certains déjà connues de nous (soirée débat-conférence, soirée contes bibliques, soirée film, rencontres avec d'autres structures ecclésiales...) et d'autres non. Aller à la rencontre des gens dans la rue en leur proposant un café par exemple, on trouve ça chouette ! et en même temps on hésite, on n'a jamais fait, peur du regard de l'autre, de l'incompréhension toujours possible... Et oui, ce n'est pas facile de faire ce fameux premier pas. Clairement, ouvertement, franchement, joyeusement.
Mais on y va. C'est déjà de l'Evangile en soi, ça, et une sacrée promesse : "Allez, on y va !"
Quel beau chemin !