On est samedi, il fait beau à Montpellier. On fait du café. Fort, le café, vu que Benji est là et que le pipi de chat, Benji il n'aime pas. Il n'y a plus de petites cuillères à la salle de l'Amicale. Du coup, on fait manche commun. Benji a tout compris. Et puis après, il n'a plus tout compris. Mais en fait, il a tout compris. Et il nous explique pourquoi. Pendant ce temps, Eloïse fait des miettes et fait remarquer que quand même, elle fait beaucoup de miettes. On lui répond qu'on l'aime quand même.
On se donne des nouvelles et Nicolas, le petit dernier de la bande, fait une remarque fort pertinente sur notre façon très personnelle d'aborder la journée. Par cercles concentriques autour du sujet du jour. En fait, on saute même de cercle en cercle.
Premier miracle. Nous sommes en plein questionnement. "Bon, on va où ?". "Attends, mon téléphone sonne. Ah ben je connais pas le numéro. Allo ?"
C'est un pasteur.
Nous voilà - quand même ! c'est fou non ? - en plein conference call avec le représentant de l'équipe avec laquelle, peut-être, l'été prochain, nous ferons un bout de chemin (en fait, le portable de Benji est posé dans les miettes de croissant et on se fait des grands signes pour dire "vas-y, c'est toi qui parles"). Conference call qui répond à la demi-douzaine de questions que nous nous posions dix minutes plus tôt, et nous entr'ouvre l'avenir.
Deuxième miracle : Pascale demande benoîtement, il s'appelait comment le gentil pasteur, là ? Et se rend compte qu'en fait, elle le connaît, le pasteur, là, vu que c'était "son" pasteur il y a vingt ans, à peu près. C'est vrai, ça ne la rajeunit pas. En même temps, ça lui fait vachement plaisir et elle se renseigne sur les spécialités culinaires dans l'Est (c'est une douce monomanie).
"La vie est un projet. Et il faut le construire jour après jour" (je voulais pas écrire ça, on m'a forcée).
Après, on lit un article super intéressant sur les araignées qui font de la soie (ne me demandez pas comment ça se fait, je n’en sais rien du tout). Nicolas fait des yeux tout bizarres mais il ne dit rien, je crois qu'il commence à s'habituer. Après, on parle de matelas gonflable, de trois suisses et de plage. En parcourant nos notes de l'an dernier, on tombe sur l'évaluation du séjour par le plus jeune de la bande et on part dans quelques fous rires. Même si c'est d'une grande profondeur ("la liturgie c'est comme la Sécu, l'utiliser c'est bien, en abuser ça craint"), on sent bien qu'on s'égare un peu, là. Puis Nicolas nous met du Cabrel. Ca y est, il est intégré.
On fait provision de citations pour l'avenir.
"C’est fou que les trains arrivent parfois."
"L’important, c’est que ça discute."
"J'ai le coeur fragile à mon âge."
"Il faut faire un culte verveine-speculoos." (Ca c'est une référence à nos discussions du soir, l'été dernier, pas du tout de l'ironie, figurez-vous. Nous sommes blagueurs, certes, mais pas ironiques.)
"C'est dur d'avancer quand on sait pas où on va."
Sérieusement, nous avons à nouveau une grande discussion sur la question de l'évangélisation. Ca fait plus d'un an que ça dure et on continue à discuter. Ca signifie quoi d'évangéliser ? Comment concilier le respect absolu de la personne et l'envie de donner un message ? Entre frustration et confiance. Offrir un temps à part... Mais parfois, l'appel à témoigner vient de l'extérieur ; il n'y a plus à se forcer, on n'a plus à se poser la question. Les conditions étant posées, le témoignage peut arriver librement. Témoigner parce qu'il faut témoigner, c'est dur. Tout ça... on discute, quoi.
En fait, on se fait un verveine-speculoos même sans verveine et sans speculoos. En fait, on est heureux de se retrouver, on est heureux de la perspective de repartir ensemble et même si l'avenir est incertain, l'idée de travailler à le rendre plus consistant, petit à petit, nous sourit. C'est reparti...
Ensuite, on chante "bon anniversaire" pour Benji qui souffle sa bougie et même si on a oublié les cacahuètes pour fêter dignement ce grand événement, on prend rendez-vous pour la prochaine fois, dans l'allégresse. Et les miettes de croissant.
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