mardi 10 avril 2012

Pour que tu vives

Cette fois, ça y est. On en a parlé. Vraiment. Ca aurait pu finir façon "ils en ont parlé" mais non, on en a vraiment parlé, on a même convenu de continuer à en parler. De l'évangélisation. 
Ca fait quand même un an et des miettes de kairos que ça nous travaille, cette question. Du "berk non pas pour moi, je n'ose pas" à l'idée du témoignage, du débat sur les moyens que l'on se donne alors que ce qui revient toujours par la porte étroite c'est le contenu du message, de l'envie d'y aller mais aussi du risque à prendre... on a abordé le sujet par bien des angles différents, avec passion et beaucoup de rires, aussi, au final. Ce qui a fait que notre réunion de vendredi dernier était différente des autres, difficile à dire. Ca tenait sans doute au fait que deux nouveaux sont arrivés dans l'équipe, Nicolas et Rémi, et que leur simple présence et leurs mots nouveaux dans notre débat en cours ont permis de déplacer les lignes. Ca tient aussi à un de ces petits accidents du destin qui font croire que quelqu'un, quelque part, s'amuse bien en nous voyant débattre ainsi. Et ne nous laisse pas tomber le jour où, vraiment, on parle. Car c'est bien de parole vraie qu'il est question au fond.
Un de nos professeurs, à qui un étudiant avait apparemment posé un lapin (en chocolat, sûrement), a dirigé ses pas innocents vers la salle de l'Amicale où se tenait notre réunion, a pris un carré de chocolat, s'est assis sans façons comme il sait le faire, et a répondu à la question lancée à la volée par Benji : "Pourquoi faut-il évangéliser ?"
Alors c'est simple. Parce que c'est un impératif. Malheur à moi si je n'évangélise pas, dit Paul. Pour en sauver de toute manière quelques-uns, dit-il aussi. Cette radicalité que nous aimerions mieux glisser discrètement sous le tapis, c'est peut-être là, alors, que se joue l'évangélisation ? Oui : et s'il y a urgence, c'est parce que ce que nous avons à donner, c'est la parole de libération face aux idoles de ce monde, toutes les idoles qui nous font prisonniers. La colère, le jugement, voilà ce qui s'abat sur ce monde à moins d'ouvrir les yeux. Regardez, vous êtes aveugles ! voilà la parole, terrible en somme, que nous avons à porter. 
Pourquoi c'est si difficile ? c'est que l'Evangile est une parole dure, insupportable, pour qui vit dans le monde, or nous y vivons bien tous. Mais de façon décalée, jamais satisfaite, comme des "impénitents dissidents" (Ellul), suivant à la trace l'Ecriture qui ne se satisfait jamais d'aucun des dieux de ce monde, toujours à rebrousse-poil. Le monde est aveugle et ce qui vient est à la fois une parole de jugement et une parole de salut. Une colère et une grâce. « Vous êtes jugés, c’est votre salut, c’est votre chance. Tant que vous pensez que vous n’êtes pas condamnables vous êtes perdus. Tant que tu te crois innocent tu es coupable, quand tu te sens coupable tu deviens sauvé. » C'est sûr, on n'aime pas entendre ça... et pourtant, ça résonne curieusement, ça fait même un effet de vie incroyable, d'entendre ça. 
Déjà, l'entendre pour nous-mêmes, ça bouscule, ça remet en question nos façons, religieuses, de nous voir dans le monde, face au monde. Transposer ce qui se dit là en langage non religieux, ce serait alors trouver des mots pour dire que l'Evangile, c'est ce qui est force de vie dans tout ce que ça a d'insupportable. L’évangile c’est emmerdant, ça t’emmerde la vie. Mais quand tu y as touché, quand tu as ouvert les yeux tu ne peux plus les fermer, même en disant "si j’avais su"... Ca éprouve constamment. C’est ça qui fait vivre, c’est d’être mis à l’épreuve.
C'est ce témoignage-là qui peut résonner pour l'autre. Ce qui fait épreuve dans nos vies, là où l'Evangile met à l'épreuve nos croyances et nos conforts. Cette faille, cette brèche, c'est là que la vraie vie résonne. Et c'est ça qu'il faut pouvoir dire...
A vrai dire, on n'a pas tout compris. On s'est promis de mettre nos mots dessus, pour tenter de faire résonner autrement la question qui ne cesse pourtant bien de nous travailler. La tentation ce serait de s'arranger avec la radicalité. Mais je crois bien que les lignes bougent, elles bougent de toute façon depuis le début de cette aventure. Chacun à notre façon, dans cette aventure qui pourrait sembler un peu futile et marrante, nous mettons à l'épreuve de l'Evangile ce que nous croyons bon. Et la plupart du temps, on peut en témoigner, ce que nous croyons se trouve déplacé, un pas devant, et on n'a plus que ce pas à faire pour le rattraper, et ça continue à avancer comme ça.
Pas clair tout ça ? C'te blague ! Si vous, vous y comprenez quelque chose, faites-nous signe. Ca s'appelle faire de la théologie. C'est passionnant. En un sens, c'est vital.
Prochaine réunion le 5 mai avec une partie de l'équipe qui va nous accueillir à Chaumont. D'ici là, l'aventure continue !
 

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