dimanche 22 juillet 2012

Culte Café Croissants

« C’est fou ce qu’il y a comme petites ourses ce soir. »

C’est vrai que depuis notre emplacement numéro 6 du camping municipal de Chaumont, on voit bien les étoiles. Bon, on n’est pas très forts en constellations... Ni en montage de tentes, à vrai dire. Sans l’aide d’Alex, rencontré ce matin et qui habite à Chaumont et nous a généreusement aidé avant de partager notre repas et notre méditation du soir à notre grande joie, on aurait mis une heure ou deux de plus, au bas mot.
Ce soir, on n’ose plus trop faire de tour de table, vu le sujet de ce matin au Culte Café Croissant à Toul... Ben l’occultisme... nous, on y avait jamais trop réfléchi. Comme dit notre GPS, « faites demi-tour avec prudence ». C’est peu dire que nous nous sommes sentis mal à l’aise. Le principe de ces Cultes Café Croissant, c’est d’inviter des gens qui ne viendraient pas forcément dans un culte « classique » de l’ERF, dans une stratégie d’évangélisation. On s’adresse donc à un public particulier et il est vrai qu’à rencontrer tous ces gens, on se demande si nos Églises sont assez accueillantes en temps ordinaire. Des gens en souffrance, en questionnement, qui attendent une main tendue parce que c’est vital, ici et maintenant, qu’ils sachent que cette main tendue vers eux par Dieu existe et qu’elle est agissante dans leur vie. Nous n’avons peut-être pas, dans nos assemblées ordinaires, des têtes assez accueillantes et des temples assez ouverts... ni peut-être l’idée qu’être simplement à l’écoute, dans la convivialité et le partage du pain et des mots simples, est une première réponse. Car l’hospitalité reçue et partagée ce matin, oui, elle nous parle, elle est essentielle ; elle met des visages et des paroles là où nos Églises semblent défaillantes à accueillir ces détresses dans la simplicité. La joie des chants, aussi, sans doute. Le sentiment profond qu’on trouve ici des frères, des sœurs, qui ont vécu ou vivent des moments difficiles ou terribles et qui peuvent entendre et partager ce qu’ils vivent parce qu’ils y espèrent, ou y voient, la trace de l’action de Dieu.

Ceci étant dit, si la forme nous semble devoir être adoptée dans l’Eglise que nous connaissons, parce qu’elle témoigne d’un vrai respect des gens et d'une vraie préoccupation pour leur réalité personnelle, le fond nous préoccupe. Le centre du culte est toujours un témoignage et celui de ce matin était donné par une femme libérée de l’occultisme par l’action de Jésus, une femme tout à fait charmante et touchante précisons-le. Pour préparer l’écoute de ce témoignage, une question a été posée à l’ensemble des présents, dont il fallait discuter à chaque table où se trouvaient du café, du jus de fruits et des croissants, et autour de la table cinq participants, réguliers ou nouveaux venus, et un animateur ou une animatrice. Ce matin, nous étions nous-mêmes chargés d’animer la discussion à chaque table. La question posée était simple (je reformule car je ne l’ai pas notée sur le moment) : « est-ce qu’il existe un enfermement par Satan et Jésus est-il celui qui peut nous en délivrer ? » Outre la formulation un peu fermée, c’est le résultat qui était troublant. A chaque table, ce fut une quasi unanimité : oui, et oui. Ce n’était pas le moment de la polémique, ni d’ailleurs de la mise en perspective et de l’esprit critique chers à notre culture ERF. Est-ce que c’est ça qui nous a choqués ? Au fond pas vraiment. C’est plutôt sur le fond du message que nous avons des interrogations. Nous vous les livrons aussi simplement que possible, pas dans un esprit de polémique mais pour tenter de mettre des mots dessus.

Pour nous, réfléchir sur l’occultisme, entendre un tel témoignage, supposerait de dire que la grâce de Dieu est inconditionnelle et qu’elle libère de toutes les aliénations. Oui, le Christ peut nous délivrer de tous les maux. Mais dans ce que nous avons entendu ce matin, ça reste une grâce à saisir. On a prié pour la délivrance, au nom de Jésus, contre le diable et les esprits. Il a été proposé de saisir ici et maintenant la chance du salut.
Est-ce un passage obligé pour le salut, cette proposition ? Faut-il nécessairement en passer par là ? La grâce ne se donne-t-elle qu’ainsi ? Et si je doute, comment je me place par rapport à tout ça ? Mon salut est-il en jeu ? L’émotion née d’une célébration commune peut-elle légitimement être la source d’un pas fait vers le Christ ? On a eu l’impression qu’il était impossible d’être sauvé à moins d’en passer par là ; qu’il était impératif de se positionner immédiatement, d’adhérer à ce salut offert pour pouvoir l’obtenir, sans qu’il y ait de place pour l’expression d’un doute, pour la reformulation d’une souffrance autrement que dans ce langage-là.
Nous ne sommes pas forcément d’accord entre nous d’ailleurs : ce pas de l’homme vers Dieu, est-il indispensable, est-il au centre de notre théologie ? Cette promesse d’une relation vivante avec Dieu, est-elle la seule promesse qui tienne ? Et la grâce, dans tout ça ?
C'est terriblement culpabilisant, au fond. Il faut se repentir, et on n'est jamais sûr d'avoir la grâce. Des pratiques sont condamnées, des mises en garde énoncées. L'invocation de Jésus, plutôt que la grâce, est dite agissante. 
Nous sommes pleins de questions. Nous avons vu des gens dignes, debout, touchés, bouleversés, fragiles et forts, porteurs de paroles bouleversantes. Nous avons entendu par ailleurs un message qui nous a heurtés. Sommes-nous trop critiques ? Si ces gens sont là et qu’ils reviennent, on ne peut pas prétendre dire qu’ils ne reçoivent pas le message qu’il faudrait. 

Ici, on proposait une relation vivante avec Dieu, alors qu’on a peut-être tendance d’habitude à proposer de réfléchir à une relation vivante avec Dieu. Ici on propose un Dieu agissant dans le concret, dans le détail, et ailleurs... ? Oui, nous avons senti un écart entre le message de nos Églises et le message de ce matin. L’absence d’une théologie de la grâce inconditionnelle nous ferait presque pousser les hauts cris, petits théologiens dont il sort du vin de Cana quand on leur tord le nez en cire au milieu de la figure...
Alors est-ce que l’EPM a une place dans l’ERF ? Bien évidemment oui, pour épauler ceux qui arrivent à se tourner vers le Christ, pour se sortir de leurs problèmes, car il est clair qu’ils savent accompagner, exhorter, accueillir, encourager... Des gens voient leur vie transformée, l’EPM porte ce genre de fruits. La simplicité de la rencontre, l’esprit de famille, l’hospitalité, ne sont pas des vains mots ici. L’Eglise dans son ensemble a tout à gagner à s’interroger à partir de tout cela, et nous en tirons un grand bonheur, de pouvoir être ici et d’apprendre.
Mais l’occultisme, franchement ? Faut-il en passer par ça pour annoncer l’Evangile ? Et quel Evangile, au fait ? Et voilà, on en revient toujours à cette question. Quel Evangile annonce-t-on dans l'Eglise réformée de France ? Bien sûr, on ne répondrait pas tous à cette question de la même façon. Mais en réaction à ce culte, notre petit groupe de théologiens sur pate pourrait dire que la Bonne Nouvelle c'est notamment ceci : "la grâce est inconditionnelle et première". Dit autrement : "C'est Dieu qui vient nous rencontrer en premier, sans aucune condition".


Pour terminer sur une note plus légère, un retour à la réalité de notre vie de camping pour la semaine qui vient : « If you can, jerrycan. »

1 commentaire:

  1. Billet passionnant.
    L'occultisme, oui... Dans l'ERF, on a tellement l'habitude de croire qu'on a pas ou peu de tabous qu'on est surpris d'en découvrir autant. Et que fait-on avec ? Encore une fois, la démarche d'ERF-on-tour prouve sa pertinence, en mettant le doigt sur des questions qui gênent. Merci à vous.

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