Première journée avec nos hôtes de l'équipe pastorale missionnaire dans l'Est...
L’équipe pastorale
missionnaire, qu’est-ce que c’est ? Les pasteurs de l’EPM
dépendent du Conseil régional, et non d’un Conseil presbytéral au sein d'une Église locale. Dans notre système ecclésial, les CP ont
tendance à entretenir ce qui existe, c’est-à-dire les communautés
locales telles qu’elles existent. C’est déjà une tâche
compliquée... ça repose sur quelques-uns, souvent fatigués,
souvent découragés, surtout en contexte de dissémination. Tenter
une expérimentation comme celle de l’EPM, c’est tenter de
redonner à l’Eglise dans son ensemble sa vocation missionnaire,
c’est-à-dire la tourner résolument vers l’extérieur plutôt
que sur l’intérieur, vers les étrangers à l’Eglise plutôt que
vers ceux qui en font partie. La mission, c’est appeler ceux qui ne
sont pas dedans à connaître l’Evangile. Cette façon de formuler
les choses pose clairement le problème : l’Evangile, c’est
quoi ?
Finalement, nous revenons
toujours à cette question. Même dans les aspects les plus
pratiques, concrets et immédiats de la mission de l’Eglise, elle
ne peut être mise de côté, cette fameuse question. Dire simplement
que l’Evangile, c’est l’annonce de l’amour de Dieu pour le
monde en Jésus-Christ, est-ce que ça suffit, est-ce que c’est le
cœur du problème ?
Aujourd’hui, nous
avions l’occasion de nous reposer cette question en travaillant
avec les deux pasteurs de l’EPM, Patrice et Eric, et le président
du comité de pilotage de l’expérimentation, Freddy, pour une
étude biblique à la mode EPM. Nous avons exploré ensemble le texte
de Luc sur Zachée (Lc 19,1-10), avec une vraie liberté de penser et
une écoute attentive les uns des autres. Nous nous sommes posé la
question de savoir ce qui poussait Zachée à vouloir voir qui était
Jésus. En fait, cela découle du passage qui précède
immédiatement, où la guérison d’un aveugle rend Jésus fameux
aux yeux du peuple. Qui est ce Jésus qui guérit les aveugles et
annonce le salut ? Quelle question ! On se la pose toujours
aujourd’hui, non ? Et le petit Zachée, petit par la stature,
grand par la fortune, pécheur aux yeux du peuple puisqu’il est
publicain (considéré par les Juifs comme étant à la solde des
Romains et toujours soupçonné de gagner son argent sur le dos des
gens du peuple en prélevant une commission au passage), veut voir.
Il court en avant de la foule et monte sur un sycomore et regarde de
tous ses yeux. Mais ce sont les yeux de Jésus qui se lèvent vers
lui. C’est lui qui l’interpelle. Qui lui demande de descendre
pour l’accueillir. Et le peuple de s’étonner : c’est chez
ce pécheur, ce publicain, que va dîner le fameux Jésus ?
Pendant ce temps, le dialogue s’engage entre Jésus et Zachée, qui
proclame son bon comportement.
Sur ce point, nous avons
achoppé sur l’établissement d’une hypothèse commune au groupe.
Que signifie ce que dit Zachée ? Est-ce une promesse d’avenir,
l’annonce de ce qu’il va faire depuis sa rencontre avec Jésus ? Ou est-ce une dernière tentative pour se justifier,
pour dire que non, il n’est pas pécheur, et donc digne de recevoir
Jésus ? En fait, le texte ne permet pas vraiment de trancher.
Et pourtant du point de vue de l’annonce de l’Evangile, c’est
primordial de trancher. D’un côté, on annonce que Zachée a vécu
une conversion qui lui permet de changer de comportement. De l’autre,
on estime que Zachée se trompe encore dans cette auto-justification
et que c’est la dernière parole de Jésus qui porte l’Evangile :
le salut est entré dans cette maison, non du fait d’un changement
de comportement, mais du fait de la venue de Jésus lui-même, de la
démarche qui lui reste souveraine d’être intervenu dans une vie
humaine. « Le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce
qui était perdu »... même celui qui se croit justifié par
lui-même, par sa propre loi. Du coup, tout humain est à sauver.
Tout humain ne dépend que de l’intervention du Christ dans sa vie
pour être sauver.
Bon. Une fois qu’on a
dit ça, qu’est-ce qu’on a dit ? Est-ce qu’on a vraiment
deux théologies différentes, deux visions différentes de la
conversion, deux interprétations du salut, deux Evangiles pour dire
les choses brusquement ? En protestantisme, le débat des
interprétations est vital. Alors on peut dire que ce qu’il importe
de faire, c’est de continuer à parler.
OK. Mais quand on est
missionnaire, il faut bien prendre une décision, non ? Et sur
le fond, c’est une décision proprement théologique. Voilà, on
est au cœur du problème. Aujourd’hui, on s’est frotté à ce
que ça signifie, de vouloir se lancer dans la mission.
L’après-midi, nous
avons pu échanger sur les modalités pratiques de l’exercice de
l’équipe sur Toul et Chaumont. Rappelons que c’est une
expérimentation, soutenue au niveau régional et national, qui a
vocation à être mieux connue pour permettre à l’Eglise dans son
entier de mieux concevoir sa mission d’évangélisation. Pourtant,
ça se veut modeste. On réfléchit localement, concrètement. On
vous reparlera des Cultes Café Croissants, mais pour l’instant on
peut déjà vous dire que les pasteurs de l’EPM conçoivent leur
travail à plusieurs niveaux. Il faut d’abord encourager le
témoignage personnel, pour oser partager sa foi : ce n’est
que par là que ça peut se passer. Il faut ensuite « semer »,
c’est la place des CCC, parce que la conversion est un long
cheminement et nécessité des partages humains. Il faut aussi
approfondir la foi, par la pratique du parcours Alpha qui ouvre sur
un engagement. Il faut ensuite approfondir ce parcours de foi, avec
les rencontres de maisons. Enfin, ceux qui sont devenus « mûrs
dans la foi » deviennent acteurs de la Bonne Nouvelle là où
ils sont, dans leur vie. Tout cela se fait, pour les pasteurs de
l’EPM, sans mettre l’accent sur le protestantisme, mais sur le
désir de s’adresser à tous sans distinction, pour inviter à une
relation vivante avec Dieu à travers Jésus-Christ.
Ca ne va pas sans
l’humour nécessaire à une tâche aussi immense. Comme nous le
rappelait Eric en fin de réunion, « l’urgent est fait,
l’impossible est en cours, pour les miracles prévoir un délai »...
De notre côté, deux
phrases du jour pour conclure cette importante journée.
« Il fait un peu
chaud là, 18 degrés. »
« Je passe mon
tour, je passe l’éponge. »
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