mardi 17 juillet 2012

Zachée, non manquant


Première journée avec nos hôtes de l'équipe pastorale missionnaire dans l'Est...

L’équipe pastorale missionnaire, qu’est-ce que c’est ? Les pasteurs de l’EPM dépendent du Conseil régional, et non d’un Conseil presbytéral au sein d'une Église locale. Dans notre système ecclésial, les CP ont tendance à entretenir ce qui existe, c’est-à-dire les communautés locales telles qu’elles existent. C’est déjà une tâche compliquée... ça repose sur quelques-uns, souvent fatigués, souvent découragés, surtout en contexte de dissémination. Tenter une expérimentation comme celle de l’EPM, c’est tenter de redonner à l’Eglise dans son ensemble sa vocation missionnaire, c’est-à-dire la tourner résolument vers l’extérieur plutôt que sur l’intérieur, vers les étrangers à l’Eglise plutôt que vers ceux qui en font partie. La mission, c’est appeler ceux qui ne sont pas dedans à connaître l’Evangile. Cette façon de formuler les choses pose clairement le problème : l’Evangile, c’est quoi ?
Finalement, nous revenons toujours à cette question. Même dans les aspects les plus pratiques, concrets et immédiats de la mission de l’Eglise, elle ne peut être mise de côté, cette fameuse question. Dire simplement que l’Evangile, c’est l’annonce de l’amour de Dieu pour le monde en Jésus-Christ, est-ce que ça suffit, est-ce que c’est le cœur du problème ?
Aujourd’hui, nous avions l’occasion de nous reposer cette question en travaillant avec les deux pasteurs de l’EPM, Patrice et Eric, et le président du comité de pilotage de l’expérimentation, Freddy, pour une étude biblique à la mode EPM. Nous avons exploré ensemble le texte de Luc sur Zachée (Lc 19,1-10), avec une vraie liberté de penser et une écoute attentive les uns des autres. Nous nous sommes posé la question de savoir ce qui poussait Zachée à vouloir voir qui était Jésus. En fait, cela découle du passage qui précède immédiatement, où la guérison d’un aveugle rend Jésus fameux aux yeux du peuple. Qui est ce Jésus qui guérit les aveugles et annonce le salut ? Quelle question ! On se la pose toujours aujourd’hui, non ? Et le petit Zachée, petit par la stature, grand par la fortune, pécheur aux yeux du peuple puisqu’il est publicain (considéré par les Juifs comme étant à la solde des Romains et toujours soupçonné de gagner son argent sur le dos des gens du peuple en prélevant une commission au passage), veut voir. Il court en avant de la foule et monte sur un sycomore et regarde de tous ses yeux. Mais ce sont les yeux de Jésus qui se lèvent vers lui. C’est lui qui l’interpelle. Qui lui demande de descendre pour l’accueillir. Et le peuple de s’étonner : c’est chez ce pécheur, ce publicain, que va dîner le fameux Jésus ? Pendant ce temps, le dialogue s’engage entre Jésus et Zachée, qui proclame son bon comportement.
Sur ce point, nous avons achoppé sur l’établissement d’une hypothèse commune au groupe. Que signifie ce que dit Zachée ? Est-ce une promesse d’avenir, l’annonce de ce qu’il va faire depuis sa rencontre avec Jésus ? Ou est-ce une dernière tentative pour se justifier, pour dire que non, il n’est pas pécheur, et donc digne de recevoir Jésus ? En fait, le texte ne permet pas vraiment de trancher. Et pourtant du point de vue de l’annonce de l’Evangile, c’est primordial de trancher. D’un côté, on annonce que Zachée a vécu une conversion qui lui permet de changer de comportement. De l’autre, on estime que Zachée se trompe encore dans cette auto-justification et que c’est la dernière parole de Jésus qui porte l’Evangile : le salut est entré dans cette maison, non du fait d’un changement de comportement, mais du fait de la venue de Jésus lui-même, de la démarche qui lui reste souveraine d’être intervenu dans une vie humaine. « Le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu »... même celui qui se croit justifié par lui-même, par sa propre loi. Du coup, tout humain est à sauver. Tout humain ne dépend que de l’intervention du Christ dans sa vie pour être sauver.
Bon. Une fois qu’on a dit ça, qu’est-ce qu’on a dit ? Est-ce qu’on a vraiment deux théologies différentes, deux visions différentes de la conversion, deux interprétations du salut, deux Evangiles pour dire les choses brusquement ? En protestantisme, le débat des interprétations est vital. Alors on peut dire que ce qu’il importe de faire, c’est de continuer à parler.
OK. Mais quand on est missionnaire, il faut bien prendre une décision, non ? Et sur le fond, c’est une décision proprement théologique. Voilà, on est au cœur du problème. Aujourd’hui, on s’est frotté à ce que ça signifie, de vouloir se lancer dans la mission.
L’après-midi, nous avons pu échanger sur les modalités pratiques de l’exercice de l’équipe sur Toul et Chaumont. Rappelons que c’est une expérimentation, soutenue au niveau régional et national, qui a vocation à être mieux connue pour permettre à l’Eglise dans son entier de mieux concevoir sa mission d’évangélisation. Pourtant, ça se veut modeste. On réfléchit localement, concrètement. On vous reparlera des Cultes Café Croissants, mais pour l’instant on peut déjà vous dire que les pasteurs de l’EPM conçoivent leur travail à plusieurs niveaux. Il faut d’abord encourager le témoignage personnel, pour oser partager sa foi : ce n’est que par là que ça peut se passer. Il faut ensuite « semer », c’est la place des CCC, parce que la conversion est un long cheminement et nécessité des partages humains. Il faut aussi approfondir la foi, par la pratique du parcours Alpha qui ouvre sur un engagement. Il faut ensuite approfondir ce parcours de foi, avec les rencontres de maisons. Enfin, ceux qui sont devenus « mûrs dans la foi » deviennent acteurs de la Bonne Nouvelle là où ils sont, dans leur vie. Tout cela se fait, pour les pasteurs de l’EPM, sans mettre l’accent sur le protestantisme, mais sur le désir de s’adresser à tous sans distinction, pour inviter à une relation vivante avec Dieu à travers Jésus-Christ.
Ca ne va pas sans l’humour nécessaire à une tâche aussi immense. Comme nous le rappelait Eric en fin de réunion, « l’urgent est fait, l’impossible est en cours, pour les miracles prévoir un délai »...
De notre côté, deux phrases du jour pour conclure cette importante journée.
« Il fait un peu chaud là, 18 degrés. »
« Je passe mon tour, je passe l’éponge. »

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