Va avec la force que tu
as ! (Jg 6,14) Après tout, on n’a guère que ça...
Alors ce matin, à
l’arrivée sur le marché de Toul, on se demandait... que faire,
que dire, qui suis-je ? Ce fut, comme le dit l’un de nous, un
grand moment de solitude au moment d’arriver sur le stand installé
dans un coin du marché, entre un horodateur, une boîte à lettres
de la Poste et un petit chariot de témoins de Jéhovah. Et en même
temps, on était bien là pour mettre à l’épreuve de la réalité
ce que nous avons vécu toute cette année dans notre réflexion sur
l’évangélisation et au cours de ces deux derniers jours, dans la
formation au témoignage. On avait peur, on n’avait pas envie de le
faire. Toutes nos réticences poussées sur le côté revenaient en
force. Nous, témoigner ?
Une table, donc, quelques
chaises où personne ne va s’asseoir finalement, un parasol (qui
remplira le rôle d’un parapluie pas très efficace), des thermos
de café préparés par une paroissienne de Toul, deux bouteilles de
jus de fruit, quelques tranches de gâteau, nos beaux gobelets ERF on
Tour et CCC, voilà le cadre de la matinée. Autour, c’est un
marché de province comme il y en a dans toutes les villes de
France : des marchands de vêtements, et plus loin, quelques
fruits et légumes, un boucher, des poulets qui rôtissent. A vrai
dire, le marché, on ne va pas le voir. Mais les gens qui passent,
oui. Ils contournent la cabine téléphonique, approchent de la boîte
à lettres et passent le long de notre table en tendant le cou ou en
détournant le regard.
« Vous voulez un
p’tit café, un jus de fruits ? »
Certains ne répondent
même pas, méfiants jusqu’au bout des ongles. D’autres hésitent,
se demandant visiblement ce qu’on a à vendre, ce que c’est que
cette étrange secte qui, sur un marché marchand, offre du café
gratuitement. Et parfois, certains s’arrêtent. La seconde
d’hésitation cède sur un sourire, un mot, un « pourquoi
pas, tiens ». Ce sont des gens qui s’arrêtent et qui
parlent. Comme s’il y avait là la possibilité de parler qu’on
ne trouve pas ailleurs. On se présente, brièvement, ou parfois même
pas... « on est étudiants en théo, on est venus voir la
paroisse de Toul et puis on vient proposer du café ici... vous
prenez du sucre ? » Ou alors : « on vient de la
paroisse protestante, vous connaissez ? » Ou encore, plus
brusquement, par une paroissienne d’ici qui n’a pas nos
hésitations : « Dimanche, on fait un culte, je vous donne
le papier, il y a l’adresse, il faut venir, c’est pour parler de
la Bonne Nouvelle du Christ ! » Ceux à qui nous parlons,
et qui nous parlent, finissent par rester un bon moment. Et parlent
de leur vie. Nous quatre, nous écoutons. Il y a des histoires de vie
très fortes qui se déroulent ainsi. Des méfiances envers la
religion qui se disent par le récit d’une histoire familiale. Des
gens cabossés par la vie qui parlent simplement de leurs parcours.
Des mots qui ne peuvent pas se dire mais qu’on entend à mi-mots.
Il y a les gens qui se
méfient et qui nous évitent. Les regards qui s’échappent. Et
puis ceux qui passent au large et qui ne veulent pas qu’on leur
parle, et qui sont pourtant ceux à qui nous « devrions »
parler. Une fois ou deux, on parle, pourtant.
Finalement, notre peur de
nous exposer nous empêchait de voir la soif que ces gens croisés ce
matin avaient de se dévoiler, eux. Quand on annonce que les gobelets
sont offerts, il n’y a pas de soupçon quand à la signification
réelle ou supposée de ce geste, mais la surprise, et le plus
souvent c’est accepté. Il y a aussi la surprise (enfin on s’en
doutait un peu, mais on ne l’avait pas forcément vécu) de
constater le capital de sympathie dont bénéficient les protestants.
Certains disent avoir eu une éducation religieuse, s’excusant
presque d’être catholiques, et voyant que ça ne nous semble pas
particulièrement susceptible de nous choquer... disent qu’ils se
sont toujours sentis proches du protestantisme, parce qu’une
rencontre, un mot, un sourire d’un protestant un jour les a
interpelés, parce que les valeurs du protestantisme leur parlent,
parce que les dogmes catholiques, non vraiment, parce que les prêtres
pédophiles... il y a parfois une violence qui couve, non pas forcément une
réalité vécue dans l’Eglise, mais une souffrance intime et qu’on
peut entendre autrement, qui se situe ailleurs. En quelques minutes,
on ne peut pas entendre ni comprendre grand chose, c’est vrai, mais
écouter un peu, entendre un peu... on peut. Semer, peut-être ?
D’une certaine façon,
l’Eglise ce matin était un peu plus visible que d’habitude. Mais
pas parce que nous, de l’Eglise, sommes allés la mettre dans la
rue. Plutôt parce que tous ces gens croisés, c’est eux l’Eglise
et que nous, nous les avons vus.
Alors, se taire, ou pas ?
Nous voudrions témoigner que notre expérience de ce matin, qui nous
a touchés nous, dans notre parcours, dans nos études, dans notre
expérience de chrétiens engagés dans une Église, en toute
modestie, nous a fait bouger de nos repères habituels. Oui, on peut
témoigner. Et on peut le faire à notre façon. En étant
nous-mêmes. On n’a pas livré, au fond, de témoignage poignant
sur notre foi. Non, on a sans doute fait ça à la manière réformée,
tranquillement, parce que c’est possible. On n’a pas changé la
face du monde, c’est sûr. Mais on a peut-être compris quelque
chose.
Sinon, ce soir, nous
étions accueillis par l’Eglise locale de Nancy, dans un cadre donc
qui nous est beaucoup plus familier. Réunion avec les pasteurs et
membres du CP, échanges sur nos expériences, présentation de
chacun. Là encore, une parole peut se dire, à laquelle nous sommes
plus habitués sans doute, mais pas moins riche pour autant.
Qu’est-ce qui fait que cinq étudiants (ou ex-étudiant pour Benji)
ont eu envie de partir se frotter au travail de l’EPM, alors que ça
ne rentre pas dans leur parcours universitaire ? Qu’est-ce
qu’on a appris ? Quel regard on peut renvoyer sur cette
expérience aux gens qui la vivent de près ? On s’est
efforcés de répondre à ces questions.
Et le soir, nous
proposions une conférence sur la laïcité. Rémi présentait le
cadre légal, historique et contemporain de la laïcité à la
française, puis Rémi, Eloïse et Nicolas (enfin arrivé, hourra!)
se sont livrés à l’expérience du théâtre-forum, en proposant
des sketches mettant en scène des situations inspirées de faits réels. La première,
par exemple, opposait un professeur d’histoire et un parent d’élève
scandalisé qu’on parle de Jésus dans un cours sur le
christianisme du premier siècle.
Les spectateurs se sont transformés en un bel élan en acteurs pour proposer d’autres lectures de la situation en montant sur scène à leur tour remplacer un des protagonistes, dans une belle créativité, avec humour et perspicacité. Merci ! A vous tous, pour votre accueil, vos questions, le temps que vous avez passé à formuler aussi justement que possible vos questions quand à notre Église, à l’Evangile, au témoignage... Comme le matin, une parole vraie a résonné.
Les spectateurs se sont transformés en un bel élan en acteurs pour proposer d’autres lectures de la situation en montant sur scène à leur tour remplacer un des protagonistes, dans une belle créativité, avec humour et perspicacité. Merci ! A vous tous, pour votre accueil, vos questions, le temps que vous avez passé à formuler aussi justement que possible vos questions quand à notre Église, à l’Evangile, au témoignage... Comme le matin, une parole vraie a résonné.
Dans l’Eglise, hors de
l’Eglise... Des gens différents, des moments différents, des
inquiétudes différentes. Mais au fond, une même interrogation
fondamentale. Comment se dire vraiment, quand le nom de Dieu, le nom
de Jésus, sont prononcés, ou simplement murmurés, comme sources
d’une promesse de vie ?
Allons... avec la force
que nous avons. Nous n’avons pas à en rougir. Nous pouvons croire
que c’est par elle que Dieu agit. D’une manière ou d’une
autre.
Allons, deux phrases du jour, pour dédramatiser un peu tout ça et vous dire aussi un peu de la joie qui règne par ici :
"Je ne peux pas dormir à plat, c'est pas possible" (Pasteur JCB, 20 juillet 2012, 15h03)
"Parfois, les poules ont les pattes moites" (Nico, 15h07)
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