mercredi 25 juillet 2012

Gratte huit taies





Encore une matinée pleine d'appréhension au camping de Chaumont. Il ne manque plus qu'à rassembler les carnets de photos, les post-it multicolores, acheter des stylos et des boissons, prendre sous le bras droit le paper-board, sous le bras gauche la planche d'exposition, et en route pour un petit coin de rue, tout près du marché couvert en centre-ville. Ce matin-là, c'est le photo-langage que nous proposons aux habitants de Chaumont, afin d'engager une conversation autour de différentes illustrations. Alors, mes chers amis, quel est le sens de la vie, et qui est Dieu pour vous ? "Oulà, c'est compliqué, vous m'en demandez trop !", il y a les sourires gênés, les non-merci polis, ceux qui nous contournent, mais certains s'approchent, intrigués, tandis que d'autres se prêtent au jeu après notre interpellation. Certains ont du mal à héler des gens dans la rue, alors que d'autres ont l'air d'avoir fait ça toute leur vie !
Il peut naître de ces approches de longues discussions : une fois de plus, ils veulent nous parler d'eux, de leur vision du monde, de leur compréhension personnelle de la vie, de leur perception de Dieu, de la religion, des religieux. La photo d'un perroquet au creux des mains interpelle de nombreuses personnes, qui font remarquer que la nature est belle, et s'interroge s'il n'y a pas quelqu'un là-haut qui y serait pour quelque chose. Une femme voilée, en plein ramadan s'approche elle aussi, et laisse un mot sur un post-it bleu "Allah donne le courage, la bonne santé et tout ça". La photo d'une porte verrouillée fait surgir quelques souvenirs bibliques : "Frappez et l'on vous ouvrira". Il n'est pas question de grands débats théologiques, mais nous laissons libre-cours à la réaction des gens que nous croisons, afin qu'ils puissent noter ce qu'ils souhaitent : "L'entraide", "Le début d'une vie nouvelle", "Dieu est amour", "porte fermée ou porte à ouvrir?", "Qui suis-je" ? Il ne s'agissait pas ici de témoigner clairement de notre foi, mais plus simplement d'aller à la rencontre des habitants, de faire acte de présence comme pour affirmer que l'Eglise est là et qu'elle se place au service et à l'écoute de la cité et de ses habitants.



Il fallait trouver de l'ombre dans l'après-midi pour faire face à la chaleur écrasante, tenter de somnoler, faire un tri dans les photos et dans les vidéos du séjour, faire un débriefing, l'air de rien. Puis en fin d'après-midi, armés d'un ballon de football, de raquettes, de balles de ping-pong, c'était l'heure d'aller voir ce qu'il se passait dans le quartier populaire de la Rochotte. Quelques enfants étaient présents, à l'ombre, attendant que le temps passe, que le soleil se couche ou se fasse moins piquant. Très rapidement, un groupe de garçon s'est rassemblé sur le terrain de foot et a entamé un match. Pendant ce temps, des filles, timides au début, ont tenté l'apprentissage du tennis de table. On riait et on s'amusait, on retenait plus ou moins bien les prénoms de chacun et de chacune, et de plus en plus d'enfants arrivaient et très vite les six raquettes étaient trop peu et il eut fallu deux ballons pour bien faire. On s'intéressait à leur vie de quartier, à leur frères et soeurs, à leur origine, à leurs vacances. Les enfants qui jouent à la Rochotte ne sont pas du tout malheureux, ils se connaissent tous, et forme un incroyable clan de gamins.
Une petite perchée sur son vélo m'a demandé, "Mais toi m'dame, tu reviendras demain pour jouer avec nous ?" "Euh, non..." "Et la semaine prochaine ?". Moi, il n'est pas prévu que je revienne, non, mais j'ai entendu dans cette question quelque chose qui disait, merci c'est sympa d'être venu et on aimerait bien que ça recommence, parce que c'est vrai qu'ici parfois on est un peu livré à nous-même. Qu'il est bon de donner 3 heures de son temps pour venir s'amuser, comme ça, gratuitement et sans arrière-pensées. C'est vrai, c'est dommage d'avoir deux belles tables de ping-pong et de s'en être jamais servi avant, parce qu’on n’a pas ce qu'il faut ! L'Eglise a aussi sa place ici, au coeur de ce quartier, tout simplement pour donner de son temps, affirmer la gratuité comme évangile et regarder s'illuminer les visages.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire