Oyez oyez, voici nos bobines fatiguées au bout de deux semaines d'ébouriffantes aventures, dans la vidéo officielle ERF on Tour 2012, avec un lien bonus à la fin (et un chat relou, et un train, mais pas de raton-laveur, on y pensera la prochaine fois).
Evangéliser à la sauce réformée... c'est possible ? on se pose la question et même, on y répond...
Tout cela a commencé en liberté. Liberté de nous réengager dans une nouvelle expérience ERF on Tour. Liberté de choisir où aller… chez les pasteurs missionnaires de l'Est en l'occurrence. Liberté de définir le programme et même d'accepter de faire ce qui ne nous convenait pas, car la liberté ne consiste pas à faire uniquement ce qui nous plairait mais aussi ce qui pourrait nous bousculer. Eh bien, mes amis, c'est incroyable. C'est unique et du hors du commun d'avoir pu vivre de cette liberté.
Cela s'est poursuivi dans notre vie de groupe, entre nous. Tout pouvait être dit et tout était accueilli avec écoute et respect. Respect non pas passif et inerte mais dans la discussion et le débat, dans le "eh bien moi je ne vois pas ça comme ça", pour être poli. C'est sur cette même liberté que nos échanges avec Patrice Fondja et Eric Perrier, nos chers pasteurs missionnaires, ont été bâtis. Peu de fois nous avons retenu nos langues pour dire notre désaccord profond ou léger. Peut-être que parfois nous aurions pu user un peu plus de cette belle liberté pour dire ce qui résonnait positivement en nous, emportés tout naturellement un peu plus par ce qui nous froissait, lors de nos échanges.
Notre aventure a fini comme elle a commencé : en liberté. Liberté du beau témoignage de notre camarade Eloïse lors du deuxième et dernier "Culte Café Croissant", cette fois-ci à Chaumont. Elle s'est présentée en toute simplicité et surtout en vérité. Pas de témoignage fracassant avec une vie dépravée, de droguée, de fille facile ou que sais-je dont elle se serait détournée grâce à Jésus selon un schéma un peu convenu d'avance. Non, on y a entendu sa vie de fille de pasteur, influencée positivement dès le plus jeune âge par ce qu'elle vivait dans l'Eglise et puis par ce camp au Cameroun, depuis la préparation jusqu'au séjour en tant que tel. Sans rentrer dans de plus amples détails, elle a pu voir dans la vie de ces jeunes camerounais engagés dans l'Eglise une façon de vivre leur foi qui l'a marquée. Dans tout cela, et bien au delà, elle a pu voir la présence de Dieu dans sa vie. Je me sens un peu gêné d'écrire cela, refaisant un peu son témoignage à sa place, mais c'était marquant et en rendre compte ici, quitte à trahir son expérience de foi, en est tout simplement l'expression. A ce titre, le témoignage d'Alexandre, un jeune homme du coin qui avait croisé notre groupe avec joie, était complémentaire et bienvenu. Lui, avait eu besoin de déposer de lourds fardeaux aux pieds d'un Jésus qu'il venait tout juste de rencontrer pour se voir offrir ce magnifique chemin de liberté. Ce chemin de vie. Il a choisi la vie alors qu'il marchait sur un chemin de mort.
La toute dernière liberté qui nous a été donnée et dont on s'est saisi, c'est ce temps de parole que nous avons pu avoir pour faire le bilan de notre aventure. Tout avait déjà décanté et avait été partagé d'une quelconque façon en amont, entre nous ou directement avec les pasteurs de l'équipe pastorale missionnaire. Discussion paisible et pleine de recul. Cela faisait suite à l'interview de Rémi qui devait nous quitter plus tôt et avant nos cascades filmées pour alimenter de façon joyeuse notre vidéo officielle ERF on Tour 2012.
Voilà… c'est une nouvelle page de tournée, une histoire pas tout à fait classée, une pointe de nostalgie qui commence à nous guetter, pour peut-être ailleurs, plus loin, en présence d'autres, nous retrouver avec toujours cette liberté car…
"C'est pour être vraiment libres que Christ nous a libéré." Galates 5,1
Ce pauvre Elie n'a pas eu le temps d'arriver jusqu'à l'Horeb. Il pleuvait ce matin en forêt pour notre randonnée Walk and Pray. Ce qui, compte tenu du texte, était assez ironique (cf 1 Rois 17,1). On a sauté par-dessus les flaques et les mares à sangliers avant de jeter l'éponge (trempée) et de rentrer faire les courses pour les préparations culinaires de l'après-midi. Ca a turbiné dans la cuisine des Perrier, avec quiches, tartes et autres cakes divers pour la soirée contes bibliques qui se voulait conviviale, au sec et non ravitaillée par les corbeaux. Pendant que les uns répétaient les chants du soir et les transitions musicales entre les contes, les autres mettaient la main à la pâte.
Ce soir nous avons donc suivi de clairière en clairière un Naaman-chêne, rit aux facéties de la folie qui donnait en son jardin une garden-party, suivi les mésaventures de deux pigeons, souri quand les enfants sont allés dans le jardin jouer au ballon, sursauté avec le djembé lors de la chute des écureuils, attendu un coup de fil dans un atelier poussiéreux et marché dans la poussière avec le dixième lépreux. Des mots simples, quand la parole s'échappe, se dit. Nous avons vécu simplement ce temps, mesurant combien la simple présence de chacun changeait tout. Ca aurait pu être autrement, et ça ne l'était pas.
Faut-il toujours mettre des mots sur ce qui a été vécu ? Repenser les choses et se les dire ? Ne peut-on croire qu'on peut simplement les vivre ? Si. Alors ce soir nous nous contentons de lire l'approche du souffle gracile au-devant d'Elie et d'observer les éclairs qui orangissent l'horizon. Demain est un autre jour. Demain, nous saurons ce que nous pensons en nous laissant prendre encore une fois au jeu de l'écoute de l'autre. Un jeu de mots, de foi, d'espérance. De trace fragile et toujours renouvelée.
Ah si, quand même : vous pouvez désormais mettre votre grain de sel dans la pâte en laissant des commentaires au bas de chaque billet. Ne vous en privez pas... vous nous ferez la grâce de la trace laissée en écho...
Quand un monsieur qui n'avait jamais eu le temps de se promener au bord du canal le fait pour la première fois de sa vie en sortant de chez son banquier avec des idées noires et des montagnes de soucis, qu'il croise des étudiants protestants et les félicite de protester contre cette chienne de vie, qu'il accepte une boisson fraîche puis parle, longuement, de lui, de sa vie, de cette sale année qu'il a passée et du sens de la vie qui décidément lui échappe... quelque chose se passe, qui ne se serait pas passé autrement ni ailleurs.
Beaucoup moins impressionnés à présent à l'idée d'aller à la rencontre de tous, au hasard des pas qui poussent les uns vers les autres, nous avions installé notre petite table, nos boissons et notre quizz sur le protestantisme au bord du canal. Il était bien ce quizz, pour retrouver parmi plusieurs propositions les six grands principes du protestantisme ("Marie n'a pas existé", "Vade métro Satanas", "Sola Scriptura" et "C'est l'argent qui mène le monde", cherchez l'intrus), mais il n'a servi à rien, faute de public intéressé. Mais en reparlant ce soir de notre journée, on s'est dit que c'est nous qui avions besoin d'organiser à chaque fois quelque chose, une animation, une proposition, destinée peut-être à nous protéger nous, à cadrer cette fameuse rencontre toujours inattendue. Pas de quoi s'en inquiéter d'ailleurs, on en a besoin et c'est tout. Le principal reste qu'on se laisse bousculer dans ce cadre par la parole de ceux qui nous rencontrent ainsi, que notre propre parole ne s'en trouve pas enfermée et qu'une Parole puisse émerger au milieu de tout ça, parfois, de façon inattendue toujours. Il y a eu aussi une dame rencontrée la veille au marché et repartie le pas léger, un monsieur du voyage à la verve décapante, des enfants à vélo, des canards esseulés, des baigneurs à bouée crocodile dans l'étang à côté, un petit garçon en maillot de bain, des moments d'attente, du vide, des démonstrations de gestes du gendarme... Il y a eu tant de choses, dans un temps qui nous a semblé parfois vide. Il n'y a pas eu rien. Du simple fait de se rendre visibles et disponibles, quelque chose se passe.
L'Eglise visible : et si ça suffisait déjà ? L'Eglise qui se montre, qui se dit. Ce n'est pas très compliqué. Tous ces gens qui ne viennent pas dans nos temples reçoivent-ils ainsi quelque chose de l'Evangile ? ça, c'est une autre question qui reste au coeur de nos débats. On rechigne toujours à être explicites au sens où nous aurions en réserve un témoignage susceptible de convaincre ou d'"accrocher". Ce n'est pas simple, de dire où nous plaçons notre confiance. La simplicité du témoignage proposé par les Eglises évangéliques a pourtant, nous le sentons bien, le mérite de répondre à un besoin très fort, et on ne peut pas se contenter de dire que ça n'est pas notre théologie, il faut bien le prendre en compte. Alors comment faire en sorte qu'il puisse y avoir une rencontre qui ne comble pas simplement un besoin ?
Ce soir, nous étions invités à rejoindre un barbecue organisé par une communauté évangélique de Chaumont-Neufchateau-Epinal et nous avons parlé longuement avec Yannick, un des pasteurs. Il accompagne un camp de jeunes qui se sont lançés aussi dans l'évangélisation. Entrer chez quelqu'un pour demander un verre d'eau et parler... c'est si simple. Et c'est compter sur l'hospitalité, la demander. C'est toujours un risque. Risque de la rencontre, de la parole échangée. Du témoignage... Il y a quelque chose à penser là, et à vivre. Tiens, hier, notre texte de méditation c'était le début de Luc 10, l'envoi des 70 disciples. "Vous entrerez dans une maison"... Ces disciples sont appelés à annoncer la venue du Royaume de Dieu, avant même que Jésus n'arrive dans ces villes où ils passent. Et dans cette maison précise dans chaque ville, ils annoncent le Royaume de Dieu, ce qui les rend joyeux...
Qu'on entre dans une maison ou dans un moment partagé, on entre dans l'intimité des gens. Il faut bien s'y faire. Il y a un moment où il n'y a plus que le moment singulier de la rencontre. Nous avons écouté, donc, aussi, Yannick nous dire sa joie à partager la Bonne nouvelle, nous expliquer que c'est contre le péché dans le monde qu'il faut lutter pour améliorer ce monde, nous parler simplement et avec un sourire rayonnant de cette vie qu'il a mise au service du Seigneur.
Nous venons auprès de tous ces gens et sommes touchés nous-mêmes de ce que nous entendons. Ce n'est pas seulement que ça nous fait réfléchir et comprendre des choses sur nous-mêmes, ni que nous pensons autrement ce que peut faire notre Eglise pour aller au-devant de tous ceux qui n'en font pas partie sur le papier... C'est autre chose. On a du mal à mettre le doigt dessus. Peut-être que c'est normal.
Et puis c'est aussi, dans le quotidien, les fous rires autour d'une coupe de cheveux, le matelas gonflable qui se dégonfle, la tisane partagée à l'heure des étoiles filantes, la dent qu'une petite souris va bientôt venir chercher, le travail commun pour choisir des chants et établir le déroulé de la soirée "contes bibliques" de demain chez Eric. C'est encore la balade de demain matin, en forêt, à lire en plusieurs étapes le chemin d'Elie vers l'Horeb et ce qui s'ensuivit. C'est aussi la vaisselle et les courses, la popotte sur le réchaud, le café du matin, la douche trop froide et le soleil trop chaud. Le ciel plein d'étoiles à l'heure où chaque nuit l'un de nous finit le billet de blog du jour. La voiture dont il faut débrancher la batterie le soir. La prière commune. Les chants de table avant le repas. Les bobos. Les manies et le corollaire des amicales moqueries. Les projets des uns et des autres qui continuent pour chacun, le reste de l'été qui se profile, le moment du départ qui approche, l'orage prévu samedi.
Quand à savoir où tout ça nous mène, ça... ça ne nous appartient pas.
Encore une matinée
pleine d'appréhension au camping de Chaumont. Il ne manque plus qu'à
rassembler les carnets de photos, les post-it multicolores, acheter
des stylos et des boissons, prendre sous le bras droit le
paper-board, sous le bras gauche la planche d'exposition, et en route
pour un petit coin de rue, tout près du marché couvert en
centre-ville. Ce matin-là, c'est le photo-langage que nous proposons
aux habitants de Chaumont, afin d'engager une conversation autour de
différentes illustrations. Alors, mes chers amis, quel est le sens
de la vie, et qui est Dieu pour vous ? "Oulà, c'est
compliqué, vous m'en demandez trop !", il y a les sourires
gênés, les non-merci polis, ceux qui nous contournent, mais
certains s'approchent, intrigués, tandis que d'autres se prêtent au
jeu après notre interpellation. Certains ont du mal à héler des
gens dans la rue, alors que d'autres ont l'air d'avoir fait ça toute
leur vie !
Il peut naître de ces
approches de longues discussions : une fois de plus, ils veulent nous
parler d'eux, de leur vision du monde, de leur compréhension
personnelle de la vie, de leur perception de Dieu, de la religion,
des religieux. La photo d'un perroquet au creux des mains interpelle
de nombreuses personnes, qui font remarquer que la nature est belle,
et s'interroge s'il n'y a pas quelqu'un là-haut qui y serait pour
quelque chose. Une femme voilée, en plein ramadan s'approche elle
aussi, et laisse un mot sur un post-it bleu "Allah donne le
courage, la bonne santé et tout ça". La photo d'une porte
verrouillée fait surgir quelques souvenirs bibliques : "Frappez
et l'on vous ouvrira". Il n'est pas question de grands
débats théologiques, mais nous laissons libre-cours à la réaction
des gens que nous croisons, afin qu'ils puissent noter ce qu'ils
souhaitent : "L'entraide", "Le début d'une
vie nouvelle", "Dieu est amour", "porte
fermée ou porte à ouvrir?", "Qui suis-je"
? Il ne s'agissait pas ici de témoigner clairement de notre foi,
mais plus simplement d'aller à la rencontre des habitants, de faire
acte de présence comme pour affirmer que l'Eglise est là et qu'elle
se place au service et à l'écoute de la cité et de ses habitants.
Il fallait trouver de
l'ombre dans l'après-midi pour faire face à la chaleur écrasante,
tenter de somnoler, faire un tri dans les photos et dans les vidéos
du séjour, faire un débriefing, l'air de rien. Puis en fin
d'après-midi, armés d'un ballon de football, de raquettes, de
balles de ping-pong, c'était l'heure d'aller voir ce qu'il se
passait dans le quartier populaire de la Rochotte. Quelques enfants
étaient présents, à l'ombre, attendant que le temps passe, que le
soleil se couche ou se fasse moins piquant. Très rapidement, un
groupe de garçon s'est rassemblé sur le terrain de foot et a entamé
un match. Pendant ce temps, des filles, timides au début, ont tenté
l'apprentissage du tennis de table. On riait et on s'amusait, on
retenait plus ou moins bien les prénoms de chacun et de chacune, et
de plus en plus d'enfants arrivaient et très vite les six raquettes
étaient trop peu et il eut fallu deux ballons pour bien faire. On
s'intéressait à leur vie de quartier, à leur frères et soeurs, à
leur origine, à leurs vacances. Les enfants qui jouent à la
Rochotte ne sont pas du tout malheureux, ils se connaissent tous, et
forme un incroyable clan de gamins.
Une petite perchée sur
son vélo m'a demandé, "Mais toi m'dame, tu reviendras
demain pour jouer avec nous ?" "Euh, non..."
"Et la semaine prochaine ?". Moi, il n'est pas prévu
que je revienne, non, mais j'ai entendu dans cette question quelque
chose qui disait, merci c'est sympa d'être venu et on aimerait bien
que ça recommence, parce que c'est vrai qu'ici parfois on est un peu
livré à nous-même. Qu'il est bon de donner 3 heures de son temps
pour venir s'amuser, comme ça, gratuitement et sans arrière-pensées.
C'est vrai, c'est dommage d'avoir deux belles tables de ping-pong et
de s'en être jamais servi avant, parce qu’on n’a pas ce qu'il
faut ! L'Eglise a aussi sa place ici, au coeur de ce quartier, tout
simplement pour donner de son temps, affirmer la gratuité comme
évangile et regarder s'illuminer les visages.
Nous voulons nous positionner en écoute, parole et partage…
c’est beau, dit comme ça !
Ecouter, nous considérons souvent
que c’est seulement être là sans être là, dans l’inactivité.
Parler, cela nous rappelle
peut-être d’abord cette chanson « parole, parole, parole ».
Partager aurait tendance à nous évoquer
parfois « partage du territoire », où chacun prend sa part et reste
de son côté, chez lui avec ce qui le nourrit personnellement.
Alors, si on ajoute à ça nos quelques coups de soleil en se
levant le matin au camping de Chaumont, nos chers lecteurs peuvent se dire
« c’est la glandouille » pour eux! Si on considère en plus l’image
selon laquelle, avec le soleil trop brûlant, on préfère rester un peu à
l’ombre. On peut s’interroger sur notre action à Chaumont.
Pourtant pour nous dans l’équipe
ERF on Tour, « écoute, parole, partage » ce serait plutôt accepter de
vivre autrement la relation avec ceux que l’on rencontre pour que chacun de ces
moments puissent aussi nous transformer avec cette présence de Dieu dont la
parole permet de cheminer assurés de son Amour et de sa grâce. « Choisis
la vie, afin que tu vives »
Comment vivre ce chemin en Eglise
pour éprouver une relation vivante avec le Christ ?
C’est une des questions qui conduit la réflexion de l’Equipe
Pastorale Missionnaire. Donc, non, être missionnaire, ce n’est pas à l’image
que l’on a pu voir au musée de Wassy, des dragons qui convertissent les
protestants au temps des guerres de religions (en écho à une petite blague lancée lors de notre visite), mais c'est plutôt adopter une position
particulière. Allez voir hors des Eglises les gens là où ils en sont dans leur
quotidien et leur proposer des témoignages chrétiens.
Aujourd’hui, donc, après une bonne préparation de la semaine
avec Eric, où on a pu partager nos visions du programme pour les porter à
nouveau avec enthousiasme et se préparer à des rencontres nouvelles, nous avons
été invités à rencontrer des membres de la communauté catholique. Vrai moment
de convivialité avec l’accueil d’un sourire-arc-en-ciel au dessus de la
maison de nos hôtes! Puis un repas et des questions aux uns et aux autres… sur
les engagements associatifs en tant que catholique, l’activité du diacre et des
équipes de coordination laïques au sein de l’Eglise Catholique. Mais également
des questions sur ce que vit le protestantisme en parallèle avec le sacerdoce
universel, pour lequel tous les croyants ont la même place devant Dieu et sont
tous prêtres.
Et pour faire vivre nos Eglises respectives, pour que le
message continue d’être porté, quelles solutions ? Quelque chose qui nous
échappe, qu’on appelle l’Esprit Saint qui agit en nous. Le langage que nous
portons, c’est toujours une question dans nos partages et nos rencontres.
D’ailleurs est-ce que les tourterelles sont des colombes, de
la famille des colombidés ou des ramiers, ou s’agit-il de pigeons ?
En effet, nous entamons la deuxième
semaine de notre équipée avec l'EPM. Et pour bien débuter cette
deuxième semaine, après avoir pris nos quartiers au camping de
Chaumont, nous sommes partis à la découverte du musée de Wassy. Et
il faut bien avouer que ça nous a rappelé des souvenirs de nos
cours d'histoire moderne ! Mais, convenons-en, il n'est pas
inintéressant de se replonger dans l'Histoire en se trouvant sur les
lieux qui ont conduit au début de la lutte fratricide entre
catholiques et protestants au XVIème siècle. Et puis, au gré de
notre visite du musée, l'équipe a mis au jour des questions
jusque-là non résolues par les plus grands spécialistes de
l'histoire, avec des conséquences pourtant immédiates. Un exemple,
en regardant une gravure représentant le portrait de Calvin, nous
nous sommes demandé pourquoi le célèbre Réformateur de Genève
n'avait jamais pensé à tresser sa barbiche, ce qui l'aurait rendu
rudement sympathique ! Quant à savoir s'il fallait se situer
dans les murs ou hors les murs (c'est une des raisons pour lesquelles
les historiens pensent que le Duc de Guise a fait attaqué la grange
dans laquelle les protestants célébraient leur culte ; les
protestants pouvant à l'époque célébrer leur culte uniquement en
dehors des murs d'enceinte de la ville, c'est-à-dire dans les
faubourgs), nous avons pensé transposer cette question à tous ceux
qui portent une barbe à l'image du Capitaine Haddock : quand
vient le moment de dormir, faut-il mettre la barbe au-dessus, ou
en-dessous du drap ? En somme, tout est question de
positionnement, de point de vue, car il n'est pas de vérité
absolue. En revanche, la vérité se fraie son chemin quand on se
l'approprie, lorsqu'on la fait nôtre. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle
intègre notre cheminement personnel, et qu'elle prend tout son sens.
Et parfois, pour que les choses
prennent du sens, il faut leur laisser le temps de mûrir. Et comme
nous ne sommes pas du genre à regarder le fruit acquérir sa
maturité sans bouger, nous avons opté pour un après-midi détente
au lac du Der. Eh oui, il fait beau en Champagne, et il est même
possible de se baigner ! Si, si, nous l'avons fait !!
Pendant que les plus jeunes faisaient des pâtés de sable, nous
avons eu l'occasion de rediscuter, avec un des pasteurs de l'EPM, de
ce que nous avions vécu la veille au Culte Café Croissant. Cela
nous a permis de faire le point sur notre positionnement en tant
qu'équipe, sur les grandes lignes théologiques qui nous semblent
être primordiales. Partager, échanger, le tout dans un moment de
convivialité. Peut-être qu'au fond, c'est aussi là que se joue la
Bonne Nouvelle, dans ces moments où nous avons l'occasion
d'approfondir des sujets qui nous paraissent fondamentaux et sur
lesquels nous ne pensons pas pouvoir faire l'impasse. Mais surtout,
ce que la journée nous a appris, c'est que l'Evangile doit être
vécu, et pas seulement réfléchi. Il ne faut négliger aucun de ces
deux aspects. Une Bonne Nouvelle réinterprétée pour qu'elle fasse
sens dans nos vies, mais une Bonne Nouvelle qui est à vivre et pas
seulement à penser.
Et puis ce soir, en revenant de cet
après-midi au bord du lac, nous avons la joie d'accueillir un hôte,
ancien collègue étudiant à la Faculté de théologie de
Montpellier, JCB, avec qui nous avons pu, comme certains dans
l'équipe le disent, « partager une tranche de vie ». Et
il faut bien avouer qu'au final, le partage c'est bien ce qui nous
réunit dans cette expérience de deux semaines aux côtés de l'EPM.
Apprendre, proposer ; avoir
l'assurance d'être surpris ; être hôte c'est-à-dire à la
fois être en position de celui qui accueille, et de celui qui est
accueilli. Être hôte...ce terme évoque bien notre double
situation : accueillis inconditionnellement et, dans le même
temps, ayant le choix de pouvoir à notre tour accueillir Celui qui
nous accueille.
La relation accueillant-accueilli n'a
pas de sens unique, elle est celle qui renverse nos certitudes et nos
impressions : celui qui croit accueillir est aussi accueilli par
celui qu'il reçoit, et de même, celui qui est accueilli, accueille
celui qui le reçoit.
C'est au prix de cette dialectique que
nous pensons que chacun pourra se sentir le bienvenu et saura qu'il
est au bénéfice de quelque chose qui nous dépasse : la Grâce
offerte sans condition.
« C’est fou ce qu’il y a
comme petites ourses ce soir. »
C’est vrai que depuis notre
emplacement numéro 6 du camping municipal de Chaumont, on voit bien
les étoiles. Bon, on n’est pas très forts en constellations... Ni
en montage de tentes, à vrai dire. Sans l’aide d’Alex, rencontré
ce matin et qui habite à Chaumont et nous a généreusement aidé avant de partager notre repas et notre méditation du soir à notre grande joie, on aurait mis une heure ou deux
de plus, au bas mot.
Ce soir, on n’ose plus trop faire de
tour de table, vu le sujet de ce matin au Culte Café Croissant à
Toul... Ben l’occultisme... nous, on y avait jamais trop réfléchi.
Comme dit notre GPS, « faites demi-tour avec prudence ».
C’est peu dire que nous nous sommes sentis mal à l’aise. Le
principe de ces Cultes Café Croissant, c’est d’inviter des gens
qui ne viendraient pas forcément dans un culte « classique »
de l’ERF, dans une stratégie d’évangélisation. On s’adresse
donc à un public particulier et il est vrai qu’à rencontrer tous
ces gens, on se demande si nos Églises sont assez accueillantes en
temps ordinaire. Des gens en souffrance, en questionnement, qui
attendent une main tendue parce que c’est vital, ici et maintenant,
qu’ils sachent que cette main tendue vers eux par Dieu existe et
qu’elle est agissante dans leur vie. Nous n’avons peut-être pas,
dans nos assemblées ordinaires, des têtes assez accueillantes et des temples assez ouverts... ni
peut-être l’idée qu’être simplement à l’écoute, dans la
convivialité et le partage du pain et des mots simples, est une
première réponse. Car l’hospitalité reçue et partagée ce
matin, oui, elle nous parle, elle est essentielle ; elle met des
visages et des paroles là où nos Églises semblent défaillantes à
accueillir ces détresses dans la simplicité. La joie des chants,
aussi, sans doute. Le sentiment profond qu’on trouve ici des
frères, des sœurs, qui ont vécu ou vivent des moments difficiles
ou terribles et qui peuvent entendre et partager ce qu’ils vivent
parce qu’ils y espèrent, ou y voient, la trace de l’action de
Dieu.
Ceci étant dit, si la forme nous
semble devoir être adoptée dans l’Eglise que nous connaissons,
parce qu’elle témoigne d’un vrai respect des gens et d'une vraie préoccupation pour leur réalité personnelle, le fond nous
préoccupe. Le centre du culte est toujours un témoignage et celui
de ce matin était donné par une femme libérée de l’occultisme
par l’action de Jésus, une femme tout à fait charmante et touchante précisons-le. Pour préparer l’écoute de ce
témoignage, une question a été posée à l’ensemble des
présents, dont il fallait discuter à chaque table où se trouvaient
du café, du jus de fruits et des croissants, et autour de la table
cinq participants, réguliers ou nouveaux venus, et un animateur ou
une animatrice. Ce matin, nous étions nous-mêmes chargés d’animer
la discussion à chaque table. La question posée était simple (je
reformule car je ne l’ai pas notée sur le moment) : « est-ce
qu’il existe un enfermement par Satan et Jésus est-il celui qui
peut nous en délivrer ? » Outre la formulation un peu
fermée, c’est le résultat qui était troublant. A chaque table,
ce fut une quasi unanimité : oui, et oui. Ce n’était pas le
moment de la polémique, ni d’ailleurs de la mise en perspective et
de l’esprit critique chers à notre culture ERF. Est-ce que c’est
ça qui nous a choqués ? Au fond pas vraiment. C’est plutôt
sur le fond du message que nous avons des interrogations. Nous vous les livrons aussi simplement que possible, pas dans un esprit de
polémique mais pour tenter de mettre des mots dessus.
Pour nous, réfléchir sur
l’occultisme, entendre un tel témoignage, supposerait de dire que
la grâce de Dieu est inconditionnelle et qu’elle libère de toutes
les aliénations. Oui, le Christ peut nous délivrer de tous les
maux. Mais dans ce que nous avons entendu ce matin, ça reste une
grâce à saisir. On a prié pour la délivrance, au nom de Jésus, contre le diable et les esprits.
Il a été proposé de saisir ici et maintenant la chance du salut.
Est-ce un passage obligé pour le
salut, cette proposition ? Faut-il nécessairement en passer par
là ? La grâce ne se donne-t-elle qu’ainsi ? Et si je
doute, comment je me place par rapport à tout ça ? Mon salut
est-il en jeu ? L’émotion née d’une célébration commune
peut-elle légitimement être la source d’un pas fait vers le
Christ ? On a eu l’impression qu’il était impossible d’être
sauvé à moins d’en passer par là ; qu’il était impératif
de se positionner immédiatement, d’adhérer à ce salut offert
pour pouvoir l’obtenir, sans qu’il y ait de place pour
l’expression d’un doute, pour la reformulation d’une souffrance
autrement que dans ce langage-là.
Nous ne sommes pas forcément d’accord
entre nous d’ailleurs : ce pas de l’homme vers Dieu, est-il
indispensable, est-il au centre de notre théologie ? Cette
promesse d’une relation vivante avec Dieu, est-elle la seule
promesse qui tienne ? Et la grâce, dans tout ça ?
C'est terriblement culpabilisant, au fond. Il faut se repentir, et on n'est jamais sûr d'avoir la grâce. Des pratiques sont condamnées, des mises en garde énoncées. L'invocation de Jésus, plutôt que la grâce, est dite agissante.
Nous sommes pleins de questions. Nous
avons vu des gens dignes, debout, touchés, bouleversés, fragiles et
forts, porteurs de paroles bouleversantes. Nous avons entendu par ailleurs un
message qui nous a heurtés. Sommes-nous trop critiques ? Si ces
gens sont là et qu’ils reviennent, on ne peut pas prétendre dire
qu’ils ne reçoivent pas le message qu’il faudrait.
Ici, on proposait une relation vivante
avec Dieu, alors qu’on a peut-être tendance d’habitude à
proposer de réfléchir à une relation vivante avec Dieu. Ici on
propose un Dieu agissant dans le concret, dans le détail, et ailleurs... ? Oui, nous
avons senti un écart entre le message de nos Églises et le message
de ce matin. L’absence d’une théologie de la grâce
inconditionnelle nous ferait presque pousser les hauts cris, petits
théologiens dont il sort du vin de Cana quand on leur tord le nez en
cire au milieu de la figure...
Alors est-ce que l’EPM a une place
dans l’ERF ? Bien évidemment oui, pour épauler ceux qui
arrivent à se tourner vers le Christ, pour se sortir de leurs
problèmes, car il est clair qu’ils savent accompagner, exhorter,
accueillir, encourager... Des gens voient leur vie transformée,
l’EPM porte ce genre de fruits. La simplicité de la rencontre,
l’esprit de famille, l’hospitalité, ne sont pas des vains mots
ici. L’Eglise dans son ensemble a tout à gagner à s’interroger
à partir de tout cela, et nous en tirons un grand bonheur, de
pouvoir être ici et d’apprendre.
Mais l’occultisme, franchement ?
Faut-il en passer par ça pour annoncer l’Evangile ? Et quel
Evangile, au fait ? Et voilà, on en revient toujours à cette
question. Quel Evangile annonce-t-on dans l'Eglise réformée de France ? Bien sûr, on ne répondrait pas tous à cette question de la même façon. Mais en réaction à ce culte, notre petit groupe de théologiens sur pate pourrait dire que la Bonne Nouvelle c'est notamment ceci : "la grâce est inconditionnelle et première". Dit autrement : "C'est Dieu qui vient nous rencontrer en premier, sans aucune condition".
Pour terminer sur une note plus légère,
un retour à la réalité de notre vie de camping pour la semaine qui
vient : « If you can, jerrycan. »
Oserait-on dire qu’aujourd’hui – soirée « contes
bibliques » mise à part - on n’a pas fait grand-chose ? Oui, je vous
le dit. Si ça ne tenait qu’à moi j’aurais même dit qu’on a « glandé »
mais bon, ça aurait été un peu familier. Grasse matinée et après-midi très
tranquille passée à discuter. Et puis
finalement quelques petites choses utiles de faites : répétitions des
chants pour le Culte-Café-Croissant de demain, mise en ligne d’une vidéo de la
conférence d’hier… mais aussi des « Hé regarde un cloporte ! »,
« C’est quoi ce truc jaune et chaud là dehors ? Le soleil… ? »,
« Bon en tout cas arrête de faire toujours le mec sûr de lui, parce que ça
va 5 min hein ! ». Bref, pour finir sur un truc intelligent, la vie
de groupe se construit aussi dans cet espace de liberté qu’offre ce genre de
temps de repos au cœur d’un projet bien rempli.
Soirée contes bibliques un peu spéciale. C’est que la soirée
était organisée chez Patoche, comme on l’appelle entre nous quand il n’est pas
là, de son vrai nom Patrice Fondja, pasteur missionnaire avec qui l’on
travaille sur Toul actuellement. Quand un pasteur, qui n’hésite pas à annoncer
explicitement notre ami Jésus-Christ autour de lui, invite chez lui pour une « soirée
conviviale et ludique – contes traditionnelles et bibliques », ça donne
quoi ? Et bien, on se retrouve une trentaine de personnes, des protestants
de la vielle et de la moins vielle et des voisins qui par courtoisie ou
véritable intérêt (et je ne parle d’intérêt pour la soirée et pas d’un « faut
qu’on aille chérie sinon il va se vexer et qui gardera nos chats l’été prochain ? »)
ont répondu. Un beau pari déjà, d’avoir réussi à réunir cette diversité. Encore
une fois, quand on se donner la peine d’oser et d’y croire, l’Eglise – les croyants
réunis pour témoigner sans se cacher – ne fait pas peur à tout le monde. Voici
un message que j’aimerais que l’Eglise entende ! Pour le reste de la soirée, rien d’exceptionnel.
Des contes profanes et bibliques qui semblent avoir plu. Des questions, dans
notre reprise en groupe, sur les chants assez classiques et « chrétiens »
qui ont suivi ces contes, la sensation que l’on aurait pu épauler un peu plus
Patrice dans la préparation et l’organisation de la soirée et un consensus
général sur le repas camerounais (hommage à la famille Fondja) et les chants
improvisés à la fin. Bref, contents tout en se disant qu’on aurait pu faire
autrement et comment on aurait pu le faire. Constructif donc. Wonderful.
« Heureux ceux
qui désirent avec ardeur vivre comme Dieu le demande, car Dieu le leur accordera
pleinement » Matthieu 5,6 - > (Très bien, on attend donc !)
Va avec la force que tu
as ! (Jg 6,14) Après tout, on n’a guère que ça...
Alors ce matin, à
l’arrivée sur le marché de Toul, on se demandait... que faire,
que dire, qui suis-je ? Ce fut, comme le dit l’un de nous, un
grand moment de solitude au moment d’arriver sur le stand installé
dans un coin du marché, entre un horodateur, une boîte à lettres
de la Poste et un petit chariot de témoins de Jéhovah. Et en même
temps, on était bien là pour mettre à l’épreuve de la réalité
ce que nous avons vécu toute cette année dans notre réflexion sur
l’évangélisation et au cours de ces deux derniers jours, dans la
formation au témoignage. On avait peur, on n’avait pas envie de le
faire. Toutes nos réticences poussées sur le côté revenaient en
force. Nous, témoigner ?
Une table, donc, quelques
chaises où personne ne va s’asseoir finalement, un parasol (qui
remplira le rôle d’un parapluie pas très efficace), des thermos
de café préparés par une paroissienne de Toul, deux bouteilles de
jus de fruit, quelques tranches de gâteau, nos beaux gobelets ERF on
Tour et CCC, voilà le cadre de la matinée. Autour, c’est un
marché de province comme il y en a dans toutes les villes de
France : des marchands de vêtements, et plus loin, quelques
fruits et légumes, un boucher, des poulets qui rôtissent. A vrai
dire, le marché, on ne va pas le voir. Mais les gens qui passent,
oui. Ils contournent la cabine téléphonique, approchent de la boîte
à lettres et passent le long de notre table en tendant le cou ou en
détournant le regard.
« Vous voulez un
p’tit café, un jus de fruits ? »
Certains ne répondent
même pas, méfiants jusqu’au bout des ongles. D’autres hésitent,
se demandant visiblement ce qu’on a à vendre, ce que c’est que
cette étrange secte qui, sur un marché marchand, offre du café
gratuitement. Et parfois, certains s’arrêtent. La seconde
d’hésitation cède sur un sourire, un mot, un « pourquoi
pas, tiens ». Ce sont des gens qui s’arrêtent et qui
parlent. Comme s’il y avait là la possibilité de parler qu’on
ne trouve pas ailleurs. On se présente, brièvement, ou parfois même
pas... « on est étudiants en théo, on est venus voir la
paroisse de Toul et puis on vient proposer du café ici... vous
prenez du sucre ? » Ou alors : « on vient de la
paroisse protestante, vous connaissez ? » Ou encore, plus
brusquement, par une paroissienne d’ici qui n’a pas nos
hésitations : « Dimanche, on fait un culte, je vous donne
le papier, il y a l’adresse, il faut venir, c’est pour parler de
la Bonne Nouvelle du Christ ! » Ceux à qui nous parlons,
et qui nous parlent, finissent par rester un bon moment. Et parlent
de leur vie. Nous quatre, nous écoutons. Il y a des histoires de vie
très fortes qui se déroulent ainsi. Des méfiances envers la
religion qui se disent par le récit d’une histoire familiale. Des
gens cabossés par la vie qui parlent simplement de leurs parcours.
Des mots qui ne peuvent pas se dire mais qu’on entend à mi-mots.
Il y a les gens qui se
méfient et qui nous évitent. Les regards qui s’échappent. Et
puis ceux qui passent au large et qui ne veulent pas qu’on leur
parle, et qui sont pourtant ceux à qui nous « devrions »
parler. Une fois ou deux, on parle, pourtant.
Finalement, notre peur de
nous exposer nous empêchait de voir la soif que ces gens croisés ce
matin avaient de se dévoiler, eux. Quand on annonce que les gobelets
sont offerts, il n’y a pas de soupçon quand à la signification
réelle ou supposée de ce geste, mais la surprise, et le plus
souvent c’est accepté. Il y a aussi la surprise (enfin on s’en
doutait un peu, mais on ne l’avait pas forcément vécu) de
constater le capital de sympathie dont bénéficient les protestants.
Certains disent avoir eu une éducation religieuse, s’excusant
presque d’être catholiques, et voyant que ça ne nous semble pas
particulièrement susceptible de nous choquer... disent qu’ils se
sont toujours sentis proches du protestantisme, parce qu’une
rencontre, un mot, un sourire d’un protestant un jour les a
interpelés, parce que les valeurs du protestantisme leur parlent,
parce que les dogmes catholiques, non vraiment, parce que les prêtres
pédophiles... il y a parfois une violence qui couve, non pas forcément une
réalité vécue dans l’Eglise, mais une souffrance intime et qu’on
peut entendre autrement, qui se situe ailleurs. En quelques minutes,
on ne peut pas entendre ni comprendre grand chose, c’est vrai, mais
écouter un peu, entendre un peu... on peut. Semer, peut-être ?
D’une certaine façon,
l’Eglise ce matin était un peu plus visible que d’habitude. Mais
pas parce que nous, de l’Eglise, sommes allés la mettre dans la
rue. Plutôt parce que tous ces gens croisés, c’est eux l’Eglise
et que nous, nous les avons vus.
Alors, se taire, ou pas ?
Nous voudrions témoigner que notre expérience de ce matin, qui nous
a touchés nous, dans notre parcours, dans nos études, dans notre
expérience de chrétiens engagés dans une Église, en toute
modestie, nous a fait bouger de nos repères habituels. Oui, on peut
témoigner. Et on peut le faire à notre façon. En étant
nous-mêmes. On n’a pas livré, au fond, de témoignage poignant
sur notre foi. Non, on a sans doute fait ça à la manière réformée,
tranquillement, parce que c’est possible. On n’a pas changé la
face du monde, c’est sûr. Mais on a peut-être compris quelque
chose.
Sinon, ce soir, nous
étions accueillis par l’Eglise locale de Nancy, dans un cadre donc
qui nous est beaucoup plus familier. Réunion avec les pasteurs et
membres du CP, échanges sur nos expériences, présentation de
chacun. Là encore, une parole peut se dire, à laquelle nous sommes
plus habitués sans doute, mais pas moins riche pour autant.
Qu’est-ce qui fait que cinq étudiants (ou ex-étudiant pour Benji)
ont eu envie de partir se frotter au travail de l’EPM, alors que ça
ne rentre pas dans leur parcours universitaire ? Qu’est-ce
qu’on a appris ? Quel regard on peut renvoyer sur cette
expérience aux gens qui la vivent de près ? On s’est
efforcés de répondre à ces questions.
Et le soir, nous
proposions une conférence sur la laïcité. Rémi présentait le
cadre légal, historique et contemporain de la laïcité à la
française, puis Rémi, Eloïse et Nicolas (enfin arrivé, hourra!)
se sont livrés à l’expérience du théâtre-forum, en proposant
des sketches mettant en scène des situations inspirées de faits réels. La première,
par exemple, opposait un professeur d’histoire et un parent d’élève
scandalisé qu’on parle de Jésus dans un cours sur le
christianisme du premier siècle.
Les spectateurs se sont transformés
en un bel élan en acteurs pour proposer d’autres lectures de la
situation en montant sur scène à leur tour remplacer un des
protagonistes, dans une belle créativité, avec humour et
perspicacité. Merci ! A vous tous, pour votre accueil, vos
questions, le temps que vous avez passé à formuler aussi justement
que possible vos questions quand à notre Église, à l’Evangile,
au témoignage... Comme le matin, une parole vraie a résonné.
Dans l’Eglise, hors de
l’Eglise... Des gens différents, des moments différents, des
inquiétudes différentes. Mais au fond, une même interrogation
fondamentale. Comment se dire vraiment, quand le nom de Dieu, le nom
de Jésus, sont prononcés, ou simplement murmurés, comme sources
d’une promesse de vie ?
Allons... avec la force
que nous avons. Nous n’avons pas à en rougir. Nous pouvons croire
que c’est par elle que Dieu agit. D’une manière ou d’une
autre.
Allons, deux phrases du jour, pour dédramatiser un peu tout ça et vous dire aussi un peu de la joie qui règne par ici :
"Je ne peux pas dormir à plat, c'est pas possible" (Pasteur JCB, 20 juillet 2012, 15h03)
"Parfois, les poules ont les pattes moites" (Nico, 15h07)
Le point central de notre journée fut ce soir, dans le temple convivial de Verdun. Les quelques chaises ont accueillis un petit nombre d'auditeurs attentifs, le regard parfois amusé et tantôt inquiet. Il faut dire que les personnages à suivre étaient nombreux : il y avait l'amour qui jouait à cache-cache, puis une multitudes d'arbres de la forêt et d'animaux typiques de ce lieu. Nous avons ensuite suivis, enjoués, l'histoire d'une petite souris qui gravit la montagne vers le soleil, en croisant un buffle et un loup. Enfin, proche d'un petit groupe de lépreux, une guérison racontée ! Il semblerait que chacun y ait trouvé son "conte". Cette soirée a été l'occasion de traverser une multitude de mondes, portés par des voix variées, accompagnées de musicalités avec guitares et violoncelle laissant chacun des auditeurs rêveurs. Certaines histoires étaient bibliques, tandis que d'autres ne l'étaient pas forcément, mais chacune portait en elle une Bonne Nouvelle, que tout le monde pouvait entendre à sa façon, dans un moment de partage en toute simplicité.
D’un côté, on
croit qu’il faut lâcher prise sur toute prétention à convertir
l’autre... c’est Dieu qui convertit. Tout ce que nous sommes
appelés à faire, c’est annoncer. D’ailleurs souvent, on ne
parle pas nous-mêmes, ça parle, quand ça parle en vérité !
De l’autre côté, on se sent responsable de ce qui est annoncé,
du message, de l’importance et même de l’urgence de l’annonce,
et peut-être même aussi de la compréhension de celui ou de celle à
qui on s’adresse. Théologie du lâcher prise d’un côté,
théologie de la responsabilité de l’autre ? On peut
peut-être dire ça comme ça. En tout cas, ça permet d’expliquer
les tiraillements et les hésitations que nous ressentons face à la
question de l’évangélisation.
Il peut arriver que
les positions soient tranchées. Il arrive qu’il s’échange entre
nous des regards interrogateurs. Nous (l’équipe ERF on Tour) avons
passé cette dernière année à réfléchir à une éthique du
lâcher prise dans le cadre de l’évangélisation. Ici, nous
réfléchissons ensemble, avec l’équipe de l’EPM, à ce qui
serait plutôt une éthique de la responsabilité. Faut-il se forcer
à parler même si c’est artificiel ? Est-il légitime de
réfléchir à des stratégies de prise de parole, à des accroches,
faut-il préparer un témoignage que l’on puisse livrer sur
commande ? C’est un tel cadeau de parler lorsqu’on se sent
appelé à le faire, lorsque quelque chose semble pouvoir être dit
en vérité ! On réfléchit, on débat, on discute, on
argumente : c’était une journée de formation à
l’évangélisation. On lit ensemble des textes bibliques qui nous
permettent de réfléchir autrement à ces questions et de confronter
des lectures.
Ce n’est pas
forcément facile, ni pour l’EPM ni pour notre petite équipe de
théologiens. D’une certaine façon, eux se frottent à des
questions très concrètes et immédiates dans la mission qui leur a
été confiée par l’Eglise ; nous ne sommes encore que des
novices en la matière. Et pourtant, nous tenons à notre
compréhension de l’Evangile et c’est parfois compliqué
d’accepter qu’elle soit née en chambre et qu’on ne fait pas
ici de sport en pantoufles... Le beau cadeau de ces deux dernières
journées, c’est la liberté de ton et de parole. On se donne la
liberté de ne pas être toujours d’accord. C’est une grâce.
Chacun en ressort plus conscient de ses propres présupposés et de
sa propre théologie.
Ce soir, les
étudiants en théo se sont vu poser la question « avez-vous
rencontré le Christ ? » Et nous avons eu une certaine
réticence à donner ce qui pouvait nous apparaître comme un
témoignage obligé. Qu’est-ce qui compte vraiment dans notre vie ?
Ce que le Christ a fait pour nous, pour changer cette vie ? Ou
ce qu’il nous permet de faire aujourd’hui, d’une façon
inattendue, subtile, à notre insu parfois ? C’est à la fois
une différence de sensibilité et une profonde différence
théologique. Mais on peut entendre qu’il soit important en Église
d’entendre, et de dire, ce que la rencontre avec Dieu a bouleversé.
Du coup ça décale subtilement, de façon inattendue, ce que nous
pouvons faire, ce que nous pouvons dire. On parle... on se livre. On
ne maîtrise pas forcément ce qui se dit. C’est toujours un
risque, de parler, de dire ce qui est profondément vivant dans notre
vie. Nous sommes profondément reconnaissants à l’EPM et à la
communauté de Toul pour leur accueil et leurs questions ce soir, et
pour les bons moments partagés autour d’un repas ensuite, au
soleil enfin revenu.
Demain, nous aurons
une journée de travail en équipe pour préparer les animations à
venir : la soirée contes bibliques à Verdun le soir même,
puis une présence sur le marché de Toul vendredi matin avant de
récupérer enfin notre cher Nicolas à la gare de Nancy !
Vendredi soir, ce sera conférence théologique pour tout le monde au
temple de Nancy, sur le thème de la laïcité.
Première journée avec nos hôtes de l'équipe pastorale missionnaire dans l'Est...
L’équipe pastorale
missionnaire, qu’est-ce que c’est ? Les pasteurs de l’EPM
dépendent du Conseil régional, et non d’un Conseil presbytéral au sein d'une Église locale. Dans notre système ecclésial, les CP ont
tendance à entretenir ce qui existe, c’est-à-dire les communautés
locales telles qu’elles existent. C’est déjà une tâche
compliquée... ça repose sur quelques-uns, souvent fatigués,
souvent découragés, surtout en contexte de dissémination. Tenter
une expérimentation comme celle de l’EPM, c’est tenter de
redonner à l’Eglise dans son ensemble sa vocation missionnaire,
c’est-à-dire la tourner résolument vers l’extérieur plutôt
que sur l’intérieur, vers les étrangers à l’Eglise plutôt que
vers ceux qui en font partie. La mission, c’est appeler ceux qui ne
sont pas dedans à connaître l’Evangile. Cette façon de formuler
les choses pose clairement le problème : l’Evangile, c’est
quoi ?
Finalement, nous revenons
toujours à cette question. Même dans les aspects les plus
pratiques, concrets et immédiats de la mission de l’Eglise, elle
ne peut être mise de côté, cette fameuse question. Dire simplement
que l’Evangile, c’est l’annonce de l’amour de Dieu pour le
monde en Jésus-Christ, est-ce que ça suffit, est-ce que c’est le
cœur du problème ?
Aujourd’hui, nous
avions l’occasion de nous reposer cette question en travaillant
avec les deux pasteurs de l’EPM, Patrice et Eric, et le président
du comité de pilotage de l’expérimentation, Freddy, pour une
étude biblique à la mode EPM. Nous avons exploré ensemble le texte
de Luc sur Zachée (Lc 19,1-10), avec une vraie liberté de penser et
une écoute attentive les uns des autres. Nous nous sommes posé la
question de savoir ce qui poussait Zachée à vouloir voir qui était
Jésus. En fait, cela découle du passage qui précède
immédiatement, où la guérison d’un aveugle rend Jésus fameux
aux yeux du peuple. Qui est ce Jésus qui guérit les aveugles et
annonce le salut ? Quelle question ! On se la pose toujours
aujourd’hui, non ? Et le petit Zachée, petit par la stature,
grand par la fortune, pécheur aux yeux du peuple puisqu’il est
publicain (considéré par les Juifs comme étant à la solde des
Romains et toujours soupçonné de gagner son argent sur le dos des
gens du peuple en prélevant une commission au passage), veut voir.
Il court en avant de la foule et monte sur un sycomore et regarde de
tous ses yeux. Mais ce sont les yeux de Jésus qui se lèvent vers
lui. C’est lui qui l’interpelle. Qui lui demande de descendre
pour l’accueillir. Et le peuple de s’étonner : c’est chez
ce pécheur, ce publicain, que va dîner le fameux Jésus ?
Pendant ce temps, le dialogue s’engage entre Jésus et Zachée, qui
proclame son bon comportement.
Sur ce point, nous avons
achoppé sur l’établissement d’une hypothèse commune au groupe.
Que signifie ce que dit Zachée ? Est-ce une promesse d’avenir,
l’annonce de ce qu’il va faire depuis sa rencontre avec Jésus ? Ou est-ce une dernière tentative pour se justifier,
pour dire que non, il n’est pas pécheur, et donc digne de recevoir
Jésus ? En fait, le texte ne permet pas vraiment de trancher.
Et pourtant du point de vue de l’annonce de l’Evangile, c’est
primordial de trancher. D’un côté, on annonce que Zachée a vécu
une conversion qui lui permet de changer de comportement. De l’autre,
on estime que Zachée se trompe encore dans cette auto-justification
et que c’est la dernière parole de Jésus qui porte l’Evangile :
le salut est entré dans cette maison, non du fait d’un changement
de comportement, mais du fait de la venue de Jésus lui-même, de la
démarche qui lui reste souveraine d’être intervenu dans une vie
humaine. « Le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce
qui était perdu »... même celui qui se croit justifié par
lui-même, par sa propre loi. Du coup, tout humain est à sauver.
Tout humain ne dépend que de l’intervention du Christ dans sa vie
pour être sauver.
Bon. Une fois qu’on a
dit ça, qu’est-ce qu’on a dit ? Est-ce qu’on a vraiment
deux théologies différentes, deux visions différentes de la
conversion, deux interprétations du salut, deux Evangiles pour dire
les choses brusquement ? En protestantisme, le débat des
interprétations est vital. Alors on peut dire que ce qu’il importe
de faire, c’est de continuer à parler.
OK. Mais quand on est
missionnaire, il faut bien prendre une décision, non ? Et sur
le fond, c’est une décision proprement théologique. Voilà, on
est au cœur du problème. Aujourd’hui, on s’est frotté à ce
que ça signifie, de vouloir se lancer dans la mission.
L’après-midi, nous
avons pu échanger sur les modalités pratiques de l’exercice de
l’équipe sur Toul et Chaumont. Rappelons que c’est une
expérimentation, soutenue au niveau régional et national, qui a
vocation à être mieux connue pour permettre à l’Eglise dans son
entier de mieux concevoir sa mission d’évangélisation. Pourtant,
ça se veut modeste. On réfléchit localement, concrètement. On
vous reparlera des Cultes Café Croissants, mais pour l’instant on
peut déjà vous dire que les pasteurs de l’EPM conçoivent leur
travail à plusieurs niveaux. Il faut d’abord encourager le
témoignage personnel, pour oser partager sa foi : ce n’est
que par là que ça peut se passer. Il faut ensuite « semer »,
c’est la place des CCC, parce que la conversion est un long
cheminement et nécessité des partages humains. Il faut aussi
approfondir la foi, par la pratique du parcours Alpha qui ouvre sur
un engagement. Il faut ensuite approfondir ce parcours de foi, avec
les rencontres de maisons. Enfin, ceux qui sont devenus « mûrs
dans la foi » deviennent acteurs de la Bonne Nouvelle là où
ils sont, dans leur vie. Tout cela se fait, pour les pasteurs de
l’EPM, sans mettre l’accent sur le protestantisme, mais sur le
désir de s’adresser à tous sans distinction, pour inviter à une
relation vivante avec Dieu à travers Jésus-Christ.
Ca ne va pas sans
l’humour nécessaire à une tâche aussi immense. Comme nous le
rappelait Eric en fin de réunion, « l’urgent est fait,
l’impossible est en cours, pour les miracles prévoir un délai »...
De notre côté, deux
phrases du jour pour conclure cette importante journée.
Vous savez comment c'est, quand on se retrouve après avoir été séparés pendant longtemps. On commence par retrouver les anciennes complicités, se rappeler les bons moments passés ensemble. C'est ce qui arrive en ce lundi, où l'équipe se retrouve enfin (sauf Nicolas qui arrivera très bientôt). Ces premiers moments sont des plus simples et des plus concrets. On décharge les voitures, on choisit nos lits, on fait les courses, on partage les premiers repas, les premières dernières nouvelles de chacun. Il s'échange beaucoup de rires. On a prévu pour ce soir les saucisses pour le barbecue (faire du feu n'est pas une mauvaise idée par les temps qui courent au rythme des nuages), la verveine et les speculoos. Si vous comprenez cette dernière référence, c'est que vous partagez nos complicités depuis l'an dernier !
Un champ d'orge à Saint Baussant
Nous pensons, en ce premier jour, à ceux qui nous ont accueillis l'an dernier en Vendée : les quatre pasteurs (Michel, Michel, Matthieu et James), les membres des différentes communautés et nos voisins temporaires (Bertrand, Joëlle et tous les amis de Foussais), ceux qui ont exercé leur belle hospitalité envers nous (avec une pensée toute particulière pour Peter et Monique à Noirmoutier), les gens formidables rencontrés le long du chemin (la belle "bande de prêtres" de Noirmoutier et les membres de la communauté protestante, les pasteurs de l'Eglise évangélique...), et tous ceux dont nous ne connaissons pas le nom mais avec qui nous avons partagé du temps et des conversations. Sans eux, il n'y aurait pas de deuxième édition d'ERFoT. Sans la confiance glanée en marchant en leur compagnie, on n'aurait pas eu envie de recommencer.
Recommencer, donc : reprendre la route, rencontrer d'autres personnes. Demain, nous passerons la journée en compagnie des pasteurs de l'Equipe pastorale missionnaire (EPM) pour une étude biblique puis un partage avec le comité de pilotage. C'est pour nous un temps de découverte : qu'est-ce qui se fait ici, comment, pourquoi, à partir de quels présupposés théologiques et humains ? Mais aussi un temps de partage sur nos expériences passées et nos expériences espérées à venir.
Un coucou pour finir ce premier billet de blog de l'aventure ERF on Tour 2012, à Simon, notre équipier de l'an dernier, qui n'est pas là cette année, mais on pense à lui !
* Le réveil mutant, c'est celui de Benji. Il est capable de sonner dix fois de suite avec une mélodie très bizarre. Une partie de l'équipe en gardait la mémoire à l'oreille depuis Foussais. Du coup, ça nous a rappelé la jolie pluie vendéenne et la course pour rentrer les tables et chaises à la fin d'un apéro arrosé par le ciel...
Phrase du jour : "Je n'ai jamais mangé de merguez locales."
En ce dimanche, les textes du jour pour la prédication résonnent tout particulièrement pour l'équipe d'ERFoT... Dans le livre du prophète Amos, au chapitre 7, les versets 12 à 15 d'abord (traduction français courant) : "Amassia dit alors à Amos: "Visionnaire, décampe d'ici et rentre au pays de Juda. Là-bas du pourras gagner ton pain en faisant le prophète. Mais cesse de jouer au prophète ici, à Béthel, car c'est un sanctuaire royal, un temple officiel." Amos répondit à Amassia: "Je ne suis ni prophète de métier ni membre d'une confrérie prophétique. Je gagne habituellement ma vie en élevant du bétail et en incisant les fruits du sycomore. Seulement le Seigneur m'a pris derrière mon troupeau, et il m'a dit d'aller parler de sa part à Israël, son peuple.""
Comme souvent, le vrai prophète est tout sauf auto-proclamé. Eleveur et inciseur de fruits du sycomore... comme nous sommes étudiants et inciseurs de textes et de pratiques, ou engagés dans une vie active à inciser autrement des fruits du sycomore... nous voilà appelés à aller témoigner. Bien sûr qu'on l'a voulu, qu'on a organisé les choses au mieux de nos possibilités et que nous partons rejoindre une équipe qui nous attend. Mais au fond... on ne sait pas non plus exactement ce qu'on a à annoncer ! Parler au peuple, comment on fait ça ? Nous ne partons pas dans une institution, nous partons rencontrer des gens. Nous ne cherchons pas à perpétuer un temple officiel, mais à laisser l'aventure se vivre à travers nous. Pas simple...
L'autre texte concerne l'envoi en mission des douze, chez Marc (Mc 6,7-13): "Il appela ses douze disciples et se mit à les envoyer deux par deux. Il leur donna le pouvoir de soumettre les esprits mauvais et leur fit ces recommandations: "Ne prenez rien avec vous pour le voyage, sauf un bâton; ne prenez pas de pain, ni de sac, ni d'argent dans votre poche. Mettez des sandales, mais n'emportez pas deux chemises." Bon, par le temps qu'il fait, on va peut-être se permettre de prendre des bottes en plus des sandales... et un pull ou deux... Déjà qu'on part à cinq et pas à deux, on n'est plus trop à ça près... Sérieusement, ça ne m'avait jamais frappé à ce point, ce "deux par deux". On ne part pas tout seul. Le compagnonage est nécessaire et fructueux sur ces chemins. On n'est pas chrétien tout seul, isolé dans son coin, confronté à une tâche impossible : ça peut se vivre joyeusement, ou gravement, mais toujours dans le temps et le chemin partagé, dans les mots qui s'échangent en marchant. On est appelé à bouger tout le temps, avec quelqu'un d'autre sur qui on puisse compter. Ca, depuis l'an dernier, on en est bien conscient à EoT. D'ailleurs ça continue à nous pousser en avant cette année. A la veille de se retrouver dans l'Est, chacun attend les retrouvailles avec joie.
Notons d'ailleurs qu'au fur et à mesure du déroulement de l'évangile de Marc, les disciples deviennent de plus en plus idiots et comprennent de moins en moins ce qui se passe. Ce n'est pas très glorieux d'être disciple, en tout cas chez Marc. Alors il vaut mieux pouvoir s'appuyer les uns sur les autres pour partager le peu de jugeotte qu'on a...
(Mc 6,10-13): "Il leur dit encore: "Quand vous arriverez quelque part, restez dans la maison où l'on vous invitera jusqu'au moment où vous quitterez l'endroit. Si les habitants d'une localité refusent de vous accueillir ou de vous écouter, partez de là et secouez la poussière de vos pieds: ce sera un avertissement pour eux." Les disciples s'en allèrent dont proclamer à tous qu'il fallait changer de comportement. Ils chassaient beaucoup d'esprits mauvais et guérissaient de nombreux malades après leur avoir versé quelques gouttes d'huile sur la tête."
Pas d'obligation de résultat... ce ne sont pas les disciples qui convertissent, d'ailleurs il ne s'agit pas de conversion ici mais simplement d'annonce, de témoignage. C'est Dieu qui convertit les coeurs ! Faire ce qu'on a à faire, tranquillement, sans se soucier de "gagner" des âmes, parce que ça ne nous revient tout simplement pas de le faire... voilà qui est réconfortant. Un peu moins réconfortant peut-être cette perspective de chasser des esprits mauvais... comme toute lecture naïve, elle ferait peur. Mais si l'on considère que les esprits mauvais sont tout ce qui aliène nos contemporains, tout ce qui les enferme, dans la peur, l'impossibilité d'être soi, ce qui les éparpille à tous les vents, alors on peut "actualiser" cette lecture. On peut interpréter autrement ce que signifient aujourd'hui chasser des esprits mauvais. Et ça va, dans ce passage, avec la description toute simple de ce que font les disciples : ils appellent à un changement de comportement, et ils guérissent. Enfin quand je dis toute simple...
Dès demain soir, l'équipe presque au complet (Benji, Eloïse, Rémi, Pascale et Sam, il ne manquera que Nicolas qui arrivera deux jours plus tard) à Toul va sans doute cogiter ferme.
Et comme d'habitude, bien sûr, on vous tiendra au courant des développements de cette affaire. Ca promet, comme toujours, d'être palpitant. Non ?
"Si vous allumez Canal Plus et que vous n’avez pas de
décodeur, le signal est brouillé, inaudible et invisible. Trop
souvent et sans forcément s’en rendre compte, les
protestants que nous sommes se contentent d’un message
codé, accessible aux seuls abonnés. La parrhèsia, c’estCanal
Plus en clair. C’est renoncer à l’étroitesse du club et sortir à découvert. C’est faire confiance au Seigneur puisque c’est lui
qui nous envoie. C’est oser parler et agir, car nous semons et
Dieu fait croître. C’est renoncer à l’esprit de timidité pour
explorer les chemins ouverts par l’esprit de liberté. Etre attestataires sans être identitaires, ce n’est pas se
mettre en avant, c’est mettre Christ en avant. Et c’est le faire à notre manière, avec la liberté d’assumer ce que nous
sommes. Non pas pour nous mettre en avant, encore une
fois, mais parce que nous croyons que Christ fait confiance
aussi à ce que nous sommes pour témoigner de qui il est. "
Le texte qui précède est extrait du "Message des présidents au synode" : le synode dont il s'agit c'est celui de Belfort, qui vient d'avoir lieu et où l'Eglise protestante unie de France a été portée sur les fonts baptismaux ; les présidents, ce sont ceux des deux Eglises qui se sont unies à cette occasion : l'Eglise réformée de France et l'Eglise évangélique luthérienne de France. Un baptême plus un mariage le même jour, il y avait vraiment de quoi se réjouir !
Mais au fait, la parrhèsia, c'est quoi ? c'est un "gros mot" de théologien, d'accord, mais pas seulement. C'est le terme grec qui, dans le Nouveau Testament, désigne la façon de partager la parole de Dieu, ouvertement, publiquement, franchement, avec confiance et joie, sans se cacher, c'est-à-dire "en clair" pour reprendre la métaphore. Et voilà bien ce qui nous fait turbiner du ciboulot depuis des mois dans d'équipe d'ERF on Tour : comment parler franchement de notre foi ? Comment faire ce fameux premier pas qui mène de la foi pour soi à la foi partagée, dite ? Ca ne se passe que dans une rencontre, on est d'accord. Dans la pleine confiance en Dieu qui veut que sa parole passe par une parole humaine. D'accord. Mais après ?
Et en bon petits protestants, on n'est pas très à l'aise avec la question qui se pose tout naturellement : "mais on fait quoi ?". Ah ben c'est que les oeuvres, par chez nous... Ah oui mais il y a quand même l'impératif du témoignage... Ah ben on est un peu coincés alors...
Mais voilà : on n'est pas les premiers à y penser. En fait, toute l'Eglise depuis ses débuts ne fait que penser à ça, et le faire. Sinon, s'il n'y avait pas de témoins, non seulement l'Eglise n'aurait pas de raison d'être mais elle s'évanouirait assez vite dans la non-existence... Déjà qu'on a peur qu'elle se contente de faire partie des meubles et qu'elle se ratatine à se regarder le nombril... Alors voilà : on est l'Eglise et on doit témoigner, ça n'est pas plus compliqué que ça.
Dans la suite du texte des deux présidents de nos Eglises se trouve l'évocation de l'horizon 2017 : les 500 ans de l'affichage par Luther de ses 95 thèses sur la porte du château de Wittenberg, c'est-à-dire, puisqu'il faut bien retenir une date qui fasse date, le début de la Réforme protestante. En 2017, qu'est-ce qu'on fêtera ? un événement identitaire ? ou une date qui a fait date dans la proclamation de la parole de Dieu, qui a renouvelé l'élan de l'Eglise tout entière ? C'est ensuite que le texte biblique a été largement diffusé, que le sola scriptura s'est imposé pour la lecture croyante de la Bible, que le sacerdoce universel est devenu une évidence... et nous sommes héritiers de cet élan.
Notre réflexion depuis plusieurs mois tourne bien autour de ces fameuses thèses que, nous, aujourd'hui, nous pourrions placarder à notre tour, à notre façon. Qu'est donc cet Evangile que nous voulons défendre ? Quel est cet Evangile que nous voulons dire au monde, parce que le monde crève de ne pas le recevoir ? Quel est cet Evangile qui nous fait vivre, libres, joyeux, confiants ? Quel est cet Evangile qui, un jour, a été parole de vie pour nous, personnellement, et que nous pouvons partager communautairement ?
Voilà où nous en sommes.
Nous sommes moins préoccupés que l'an dernier des actes à poser, des animations à faire, des tentes qu'il faut penser à emmener... tout ça fait toujours partie de l'aventure bien sûr. Mais surtout, nous avons pris conscience que cet élan missionnaire qui nous est demandé, il ne peut venir que de nous, de ce lieu de vérité où nous pouvons dire "voilà ce qu'est l'Evangile pour nous, pour moi". Ca se mettra à l'épreuve de la réalité... ça se met déjà à l'épreuve de la réalité.
Il y a trois semaines, nous avons rencontré le pasteur Eric Perrier et sa femme ; retrouvailles pour certains, découverte et rencontre pour les autres ! Et là encore nous avons parlé, beaucoup, de nous-mêmes, de notre aventure, de là où elle nous avait mené et de là où elle allait. Eux sont "sur le terrain", avec l'Equipe pastorale missionnaire (EPM) et nous ont beaucoup parlé d'eux-mêmes, de leur joie dans ce travail, des écueils aussi parfois, des rencontres. Maintenant, avec ces deux équipes-là, il va falloir cet été vivre ensemble un bout de chemin à la lumière de ce fameux Evangile que nous voulons partager. Manière de découvrir comment l'autre s'y prendrait, d'entendre les bonheurs de cette transmission, les incidents de parcours, et surtout d'imaginer ensemble du neuf. On a pensé à plein de choses, certains déjà connues de nous (soirée débat-conférence, soirée contes bibliques, soirée film, rencontres avec d'autres structures ecclésiales...) et d'autres non. Aller à la rencontre des gens dans la rue en leur proposant un café par exemple, on trouve ça chouette ! et en même temps on hésite, on n'a jamais fait, peur du regard de l'autre, de l'incompréhension toujours possible... Et oui, ce n'est pas facile de faire ce fameux premier pas. Clairement, ouvertement, franchement, joyeusement.
Mais on y va. C'est déjà de l'Evangile en soi, ça, et une sacrée promesse : "Allez, on y va !"
Cette fois, ça y est. On en a parlé. Vraiment. Ca aurait pu finir façon "ils en ont parlé" mais non, on en a vraiment parlé, on a même convenu de continuer à en parler. De l'évangélisation.
Ca fait quand même un an et des miettes de kairos que ça nous travaille, cette question. Du "berk non pas pour moi, je n'ose pas" à l'idée du témoignage, du débat sur les moyens que l'on se donne alors que ce qui revient toujours par la porte étroite c'est le contenu du message, de l'envie d'y aller mais aussi du risque à prendre... on a abordé le sujet par bien des angles différents, avec passion et beaucoup de rires, aussi, au final. Ce qui a fait que notre réunion de vendredi dernier était différente des autres, difficile à dire. Ca tenait sans doute au fait que deux nouveaux sont arrivés dans l'équipe, Nicolas et Rémi, et que leur simple présence et leurs mots nouveaux dans notre débat en cours ont permis de déplacer les lignes. Ca tient aussi à un de ces petits accidents du destin qui font croire que quelqu'un, quelque part, s'amuse bien en nous voyant débattre ainsi. Et ne nous laisse pas tomber le jour où, vraiment, on parle. Car c'est bien de parole vraie qu'il est question au fond.
Un de nos professeurs, à qui un étudiant avait apparemment posé un lapin (en chocolat, sûrement), a dirigé ses pas innocents vers la salle de l'Amicale où se tenait notre réunion, a pris un carré de chocolat, s'est assis sans façons comme il sait le faire, et a répondu à la question lancée à la volée par Benji : "Pourquoi faut-il évangéliser ?"
Alors c'est simple. Parce que c'est un impératif. Malheur à moi si je n'évangélise pas, dit Paul. Pour en sauver de toute manière quelques-uns, dit-il aussi. Cette radicalité que nous aimerions mieux glisser discrètement sous le tapis, c'est peut-être là, alors, que se joue l'évangélisation ? Oui : et s'il y a urgence, c'est parce que ce que nous avons à donner, c'est la parole de libération face aux idoles de ce monde, toutes les idoles qui nous font prisonniers. La colère, le jugement, voilà ce qui s'abat sur ce monde à moins d'ouvrir les yeux. Regardez, vous êtes aveugles ! voilà la parole, terrible en somme, que nous avons à porter.
Pourquoi c'est si difficile ? c'est que l'Evangile est une parole dure, insupportable, pour qui vit dans le monde, or nous y vivons bien tous. Mais de façon décalée, jamais satisfaite, comme des "impénitents dissidents" (Ellul), suivant à la trace l'Ecriture qui ne se satisfait jamais d'aucun des dieux de ce monde, toujours à rebrousse-poil. Le monde est aveugle et ce qui vient est à la fois une parole de jugement et une parole de salut. Une colère et une grâce. « Vous êtes jugés, c’est votre salut, c’est votre chance. Tant que vous pensez que vous n’êtes pas condamnables vous êtes perdus. Tant que tu te crois innocent tu es coupable, quand tu te sens coupable tu deviens sauvé. » C'est sûr, on n'aime pas entendre ça... et pourtant, ça résonne curieusement, ça fait même un effet de vie incroyable, d'entendre ça.
Déjà, l'entendre pour nous-mêmes, ça bouscule, ça remet en question nos façons, religieuses, de nous voir dans le monde, face au monde. Transposer ce qui se dit là en langage non religieux, ce serait alors trouver des mots pour dire que l'Evangile, c'est ce qui est force de vie dans tout ce que ça a d'insupportable. L’évangile c’est emmerdant, ça t’emmerde la vie. Mais quand tu y as touché, quand tu as ouvert les yeux tu ne peux plus les fermer, même en disant "si j’avais su"... Ca éprouve constamment. C’est ça qui fait vivre, c’est d’être mis à l’épreuve.
C'est ce témoignage-là qui peut résonner pour l'autre. Ce qui fait épreuve dans nos vies, là où l'Evangile met à l'épreuve nos croyances et nos conforts. Cette faille, cette brèche, c'est là que la vraie vie résonne. Et c'est ça qu'il faut pouvoir dire...
A vrai dire, on n'a pas tout compris. On s'est promis de mettre nos mots dessus, pour tenter de faire résonner autrement la question qui ne cesse pourtant bien de nous travailler. La tentation ce serait de s'arranger avec la radicalité. Mais je crois bien que les lignes bougent, elles bougent de toute façon depuis le début de cette aventure. Chacun à notre façon, dans cette aventure qui pourrait sembler un peu futile et marrante, nous mettons à l'épreuve de l'Evangile ce que nous croyons bon. Et la plupart du temps, on peut en témoigner, ce que nous croyons se trouve déplacé, un pas devant, et on n'a plus que ce pas à faire pour le rattraper, et ça continue à avancer comme ça.
Pas clair tout ça ? C'te blague ! Si vous, vous y comprenez quelque chose, faites-nous signe. Ca s'appelle faire de la théologie. C'est passionnant. En un sens, c'est vital.
Prochaine réunion le 5 mai avec une partie de l'équipe qui va nous accueillir à Chaumont. D'ici là, l'aventure continue !